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L’Autorité de la concurrence publie un nouveau document-cadre sur les programmes de conformité

L’Autorité de la concurrence a publié le 24 mai 2022 un nouveau document-cadre portant sur les programmes de conformité. Il vient combler le vide laissé par le retrait en 2017 du document précédent, publié initialement le 10 février 2012. Un renouvellement souhaité par de nombreux acteurs.

1.De nouvelles raisons d’être pour les programmes de conformité

Le communiqué du 19 octobre 2017 avait retiré le document-cadre de 2012, car ce dernier prévoyait la possibilité pour l’Autorité de tenir compte de propositions d’engagements de mise en place de programmes de conformité aux règles de concurrence présentées par les entreprises dans le cadre de la procédure de non-contestation des griefs, en accordant une réduction de sanction pécuniaire qui pouvait aller jusqu’à 10%. Le présent document prend acte de cette évolution, justifiée par la normalisation de la mise en place de programmes de conformité par les entreprises, mais réaffirme l’importance qu’elle leur accorde.

L’Autorité entreprend donc d’établir une nouvelle raison d’être pour ces programmes, davantage fondée sur le volontarisme des entreprises. Comme le souligne l’Autorité, ils sont également bénéfiques pour les acteurs qui les mettent en place, en limitant par exemple les risques d’atteinte à la réputation. Cette évolution des conceptions autour de la conformité est également appuyée sur le renforcement ces dernières années des coûts financiers auxquels s’exposent les acteurs qui contreviennent au droit de la concurrence, notamment avec le développement du private enforcement sous l’impulsion de la directive dommages de 2014, mais également avec la transposition en mai 2021 de la directive ECN+ en droit français.

Plus globalement, ce nouveau document-cadre marque l’entrée de la conformité dans une période de normalisation, l’Autorité prenant acte du développement de ce type de programmes relativement à d’autres problématiques telles que la lutte contre le blanchiment ou la protection des données personnelles. Elle encourage ainsi les acteurs qui le souhaitent à adopter des programmes qui aillent au-delà des seules règles de concurrence et s’inscrivent dans une approche globale de conformité aux normes.

2.Une approche modernisée des programmes de conformité

En ce qui concerne les principes fondamentaux que l’Autorité considère devoir être respectés pour établir un programme de conformité efficace, ce nouveau document ne se détache pas fondamentalement en reprenant peu ou prou les 5 mêmes piliers : un engagement public de l’entreprise ; des relais et experts internes ; une information, formation et sensibilisation ; des mécanismes de contrôle et d’alerte ; et un dispositif de suivi.

L’Autorité met cependant en avant une conception davantage individualisée, considérant que le programme doit être conçu « par et pour l’entreprise ». Cette conception implique de prendre des mesures adaptées notamment au type et à la taille de l’entreprise, ou encore aux marchés sur lesquels elle est positionnée. Il est dès lors nécessaire de se livrer à une cartographie des risques, qui permettra d’adapter le programme aux besoins spécifiques.

Cet accent mis sur des programmes « sur-mesure », implique également une adaptation dans le temps du programme aux évolutions relatives tant à l’entreprise elle-même qu’à la pratique décisionnelle de l’Autorité et au contexte jurisprudentiel. Le document-cadre met ainsi l’accent sur une mise à jour régulière des mesures prévues, qui permettra d’entretenir leur pertinence.

En outre, ce document-cadre est l’occasion pour l’Autorité d’intégrer les nouveaux enjeux qui se sont développés durant la dernière décennie. La mise en place de mécanismes d’alerte devra ainsi désormais tenir compte des nouvelles dispositions adoptées en la matière, avec notamment la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte[1]. C’est également le cas avec la mention du rôle croissant des algorithmes, en vue de permettre une approche fondée davantage sur la compliance by design.

3. La mise en lumière du rôle des « acteurs de la conformité »

Autre nouveauté de ce document-cadre, la mise en avant des différents acteurs de la conformité, au premier rang desquels se trouvent les avocats spécialistes en droit de la concurrence. L’Autorité souligne le rôle important que peuvent jouer ces derniers, à tous les stades du processus, que ce soit a priori, afin d’aider à la conception et à la mise en œuvre du programme de conformité, ou a posteriori, en tant que conseils en cas de détection d’une infraction. Cet accompagnement des entreprises passe également par des actions de sensibilisation et de formation auprès des personnels, et par des audits réguliers qui permettent de s’assurer du respect de l’exigence de mise à jour chère à l’Autorité.

L’Autorité met par ailleurs en lumière le double rôle que doivent jouer les organismes professionnels, qui sont un vecteur de bonnes pratiques en matière de conformité, mais doivent également veiller à se maintenir eux-mêmes à l’écart de toutes pratiques anticoncurrentielles en mettant en place des mesures adaptées.

Ce dernier point souligne l’importance du rôle que jouent les partenaires institutionnels, troisième acteur ciblé par le document-cadre. En effet, l’Autorité comme la DGCCRF participent, par leurs pratiques décisionnelle et consultative, à fournir aux acteurs un référentiel dans l’application des règles de concurrence. L’Autorité met surtout en avant son œuvre de pédagogie, qui passe par la publication de guides ou d’études, comme celle relative justement aux organismes professionnels.

Ce nouveau document-cadre, s’il n’apporte pas de nouveautés fondamentales, contribue donc à réinventer le rôle des programmes de conformité maintenant qu’ils ne permettent plus une réduction des sanctions, et fournit ainsi aux entreprises et organismes professionnels un référentiel actualisé pour la conception de leurs programmes de conformité.


[1] Transposant la directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union

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