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Fin de partie pour la saga judiciaire de la taxe Lidl !

La Cour de cassation rejette définitivement les demandes du ministre de l’Économie mais la victoire du Galec est bien relative !

Dans un arrêt rendu le 25 juin 2025 (n°24-10.440), la Chambre commerciale de la Cour de cassation a mis un coup d’arrêt au litige qui opposait le Galec au ministre de l’Économie et des Finances (ci-après « le Ministre »), en rejetant le pourvoi formé par ce dernier à l’encontre de l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 25 octobre 2023 qui l’avait débouté de l’ensemble de ses demandes.

Michel-Edouard Leclerc a salué cet arrêt, le qualifiant de « grande victoire », qui met fin selon lui à une affaire qui a « empoisonné le climat des relations commerciales » depuis 2018. Pour l’enseigne Leclerc, « cet arrêt de la Cour de cassation entérine la possibilité pour un distributeur, de négocier du prix et pas seulement des services ».

⚖️ Quel est l’historique de cette fameuse affaire de la « taxe Lidl » ?

Dans les faits, le Ministre reprochait au Galec d’avoir, de 2013 à 2015, conclu des conventions annuelles qui prévoyaient une remise additionnelle inconditionnelle de 10% lorsque le fournisseur commercialisait par ailleurs ses produits dans les magasins Lidl. Cette remise, connue sous le nom de « taxe Lidl », conditionnait le maintien du flux d’affaires du fournisseur avec le Galec.

Dans une période de concurrence intense entre ces deux enseignes, le Ministre considérait que cette remise était une forme d’amende infligée par le Galec afin de dissuader le référencement des mêmes produits par Lidl.

Selon le Ministre, cette réduction de prix était dépourvue de contrepartie, en contravention avec les dispositions de l’ancien article L. 442-6, I, 1° du Code de commerce qui interdisait à l’époque « d’obtenir ou de tenter d’obtenir d’un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard du service rendu ».

Le Ministre avait donc assigné le Galec afin d’obtenir l’annulation des clauses litigieuses, la cessation des pratiques, la restitution de plus de 83 millions d’euros au titre de sommes indûment perçues et le paiement d’une amende civile de 25 millions d’euros.

La Cour d’appel de Paris avait déjà, comme le Tribunal de commerce de Paris avant elle, rejeté les demandes de l’administration :

« Si le Ministre qualifie cette remise de 10% de « pénalité abusive destinée à surtaxer les produits que le fournisseur diffuse également à son concurrent » et évoque un coût financier de cette pénalité excédant le gain escompté à travailler avec Lidl, force est de constater que le Ministre ne procède à aucune démonstration du caractère manifestement disproportionné de la remise ainsi obtenue de chacun des fournisseurs sur les produits litigieux au regard des gains escomptés par ces derniers du référencement de leur gamme de produits dans les magasins de l’enseigne E. [W].

De l’ensemble de ces constatations, il en ressort que dans le processus de détermination du prix convenu entre les parties lors des négociations annuelles, la remise litigieuse ne visait clairement pas à rémunérer un service commercial ou « toutes autres obligations » mais faisait partie intégrante de la négociation liée aux conditions de l’opération de vente pouvant aboutir à des réductions de prix sur le tarif des fournisseurs, et dont la contrepartie attendue par ces derniers n’était autre que le maintien du flux d’affaires entre les parties dans un contexte de tension concurrentielle entre les distributeurs E. [W] et Lidl.

Il s’ensuit que la remise litigieuse ne constitue pas un avantage sans contrepartie au sens des dispositions de l’article L. 442-6, I, 1° du code de commerce.

Par ces motifs substitués, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté le Ministre de toutes ses demandes. »

À l’époque, nous avions déjà contesté cette décision même si nous comprenions l’angle d’attaque juridique mis en avant par le Galec qui se fondait simplement sur une application stricte d’un texte datant de la loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelle régulations économiques (loi NRE), texte mal fagoté, il faut le reconnaitre !

Le Ministre avait alors formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt développant les moyens selon lesquels :

  1. L’application de l’article L.442-6, I, 1°, du Code de commerce exige seulement que soit constatée l’obtention d’un avantage quelconque ou la tentative d’obtention d’un tel avantage ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu et ce, quelle que soit la nature de cet avantage. Or, en l’espèce, la remise litigieuse constituait bien un tel avantage financier. Le fait que, selon la Cour d’appel, cette remise fasse « partie intégrante de la négociation liées aux conditions de l’opération de vente » était insuffisant pour rejeter la demande du Ministre.
  2. La Cour d’appel ne pouvait pas affirmer que « le maintien des relations d’affaires entre les parties » était une contrepartie à l’avantage accordé par les fournisseurs au Galec, ni que le Ministre n’apportait pas la preuve du « caractère manifestement disproportionné de la remise (…) au regard des gains escomptés par ces derniers du référencement de leur gamme de produits dans les magasins de l’enseigne E. Leclerc ».
  3. En jugeant que la contrepartie de la remise litigieuse consistait dans « le maintien du flux d’affaires entre les parties », et devait être appréciée au regard du « contexte de tension concurrentielle entre les distributeurs E. Leclerc et Lidl », la Cour d’appel n’a pas caractérisé une contrepartie à l’avantage accordé par les fournisseurs. Au contraire, cette constatation démontre que la remise avait pour objet de protéger la position concurrentielle du groupe E. Leclerc sur le marché de la grande distribution et avantageait ainsi le Galec et non les fournisseurs.

Dans son arrêt du 25 juin dernier, la Cour de cassation rejette l’ensemble de ces moyens.

💡 Que dit la Cour de cassation ?

Après avoir rappelé l’ancienne rédaction des articles L.442-6, I, 1° et L.441-7, I du Code de commerce, applicables à l’époque des faits, la Cour de cassation considère qu’il résulte de la combinaison de ces textes « que seul l’avantage ne relevant pas des obligations d’achat et de vente consenti par le fournisseur au distributeur doit avoir pour contrepartie un service commercial effectivement rendu ».

Or, en l’espèce, la remise inconditionnelle de 10% « était prévue au titre des conditions de l’opération de vente des produits, au sens du 1° de l’article L. 441-7, I, du code de commerce » et non des services.

Par conséquent, la chambre commerciale de la Cour de cassation considère que « l’arrêt (d’appel) en déduit exactement que la remise litigieuse ne constituait pas un avantage devant avoir pour contrepartie un service commercial, au sens de l’article L. 442-6, I, 1°, du code de commerce ».

La Cour suprême estime ainsi que la remise litigieuse, en ce qu’elle était qualifiable de « conditions de l’opération de vente » au sens de l’ancien article L.441-7, I, 1° du Code de commerce (aujourd’hui article L.441-3, III, 1° du Code de commerce), n’entrait donc pas dans le champ d’application matériel de l’ancien article L.442-6, I, 1° du Code de commerce.

  ✍️ Quelle implication pratique donner à cet arrêt ?

La portée pratique de cet arrêt nous apparait donc très limitée dans le contexte légal en vigueur aujourd’hui, qui est radicalement différent de celui applicable à l’époque des faits.

En effet, cet arrêt a été rendu en application d’un ancien texte. Aujourd’hui, plus de 10 ans après les faits reprochés (2013 /2015), le texte a significativement changé. Depuis 2019, l’article L.442-1, I, 1° du Code de commerce (qui remplace l’article L.442-6) vise la notion de contrepartie généralement entendue et non plus les seuls services, ce qui était une erreur du législateur de l’époque. 

Si le ministre de l’Économie devait demain réassigner pour les mêmes faits, alors il devrait très certainement obtenir gain de cause !

Cet arrêt n’a donc pas d’impact pour les futures négociations commerciales 2026 ni davantage aujourd’hui face à des demandes de renégociation, même s’il faut d’ores et déjà anticiper que le Galec soutiendra le contraire, mais il s’agit là alors de pure rhétorique et non de droit…

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