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Bilan 2020 de l’Autorité de la concurrence de Nouvelle-Calédonie : un accord exclusif d’importation dans le secteur des glaces industrielles sanctionné !

En application de l’article Lp. 461-5 du code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie, l’Autorité de la concurrence de Nouvelle-Calédonie (ci-après « l’ACNC » ou « l’Autorité ») a publié le 10 mai 2021 un rapport annuel relatif à l’année 2020 (ci-après le « Rapport »). Il s’agit du troisième rapport annuel publié depuis la prise de ses fonctions le 2 mars 2018.

A titre de rappel, l’ACNC a été créée par l’article Lp. 461-1 du code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie, introduit par l’article 9 de la loi du pays n° 2014-12 du 24 avril 2014. Il s’agissait de la première autorité administrative indépendante territoriale de la république française avant que la Polynésie française ne lui emboite le pas, en créant à son tour l’autorité polynésienne de la concurrence au moyen de l’article Lp. 610-1 code de la concurrence polynésien, créé par la loi pays n° 2015-2 du 23 février 2015 relative à la concurrence. Il aura fallu attendre 4 ans avant la mise en action de l’ACNC.

Dans son Rapport, l’Autorité précise que l’année 2020 a été une année extrêmement active malgré la période de confinement liée à la pandémie mondiale de la Covid-19 : 44 décisions et avis ont été rendus contre 27 en 2019 et 30 en 2018.

L’Autorité s’était fixée dans son rapport annuel de 2019 des objectifs ambitieux pour l’année 2020 dont la lutte contre la vie chère en sanctionnant les accords exclusifs d’importation qui contribuent à l’augmentation artificielle des prix.

L’article Lp. 421-2-1 du code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie dispose en effet que sont prohibés les accords ou pratiques concertées ayant pour objet ou pour effet d’accorder des droits exclusifs d’importation à une entreprise ou à un groupe d’entreprises.

Ces accords ou pratiques concertées constituent une infraction per se qui tient compte de la situation spécifique des collectivités d’outre-mer. Cet article a d’ailleurs été introduit en Nouvelle-Calédonie sur le modèle de l’article L. 420-2-1 du code de commerce national qui interdit ces pratiques dans les régions et départements d’outre-mer (DROM) et collectivités d’outre-mer (COM), à l’exception de la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française qui disposent d’un régime autonome.

En 2020, l’Autorité néo-calédonienne a d’ailleurs a été conduite à mettre fin à des pratiques d’exclusivité d’importation mises en œuvre par un fournisseur belge et des grossistes-importateurs locaux dans le secteur des glaces :

  • Dans une décision n° 2020-PAC-02 du 7 septembre 2020, l’ACNC a engagé une procédure à l’encontre d’une société belge, productrice et exportatrice de glaces industrielles vers la Nouvelle-Calédonie qui a donné lieu à une procédure d’engagements acceptés par l’Autorité. Le fabricant a donc pu échapper à une sanction pécuniaire.
  • Dans le cadre de la décision n° 2020-PAC-03 du 7 septembre 2020, il était reproché à un grossiste-importateur d’avoir sollicité la mise en œuvre et le maintien d’accords exclusifs d’importation à son profit sur le territoire néo-calédonien, en violation des dispositions de l’article Lp. 421-2-1 du code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie. La société mise en cause a finalement bénéficié de la procédure de non-contestation des griefs à la suite de la réception de la notification des griefs. Elle s’est vu infliger une sanction pécuniaire de 20 millions F.CFP (167.000 euros).

A la lecture de ces décisions (ci-après les « Décisions »), on remarquera que l’Autorité de Nouvelle-Calédonie a,pour la première fois depuis sa récente prise de fonction, identifié des pratiques d’exclusivité d’importation sans qu’aucun accord n’ait été formalisé. Dans les précédentes décisions rendues par l’ACNC en la matière (n° 2019-PAC-04 et 2019-PAC-05), les accords avaient été formalisés par des contrats incluant sans ambiguïté des clauses d’exclusivité, ainsi que par une « attestation d’exclusivité » établie par l’entreprise locale.

Dans les Décisions de 2020, l’ACNC rappelle, à l’instar de la pratique décisionnelle de l’autorité française de concurrence, que la « forme de l’accord est indifférente (contrat écrit ou non, clauses expresses ou tacites etc.), dès lors que celui-ci a pour objet ou pour effet d’accorder des droits exclusifs d’importation à une entreprise ou un groupe d’entreprises. Ainsi, les stipulations des différents contrats ou accords conclus par certains fournisseurs avec des distributeurs implantés en Nouvelle-Calédonie par lesquels les fabricants leur accordent la distribution à titre exclusif, qu’ils soient ou non formalisés, sont susceptibles d’être prohibées sur le fondement de l’article Lp. 421-2-1 du code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie».

En l’espèce, si aucun contrat d’exclusivité n’avait été conclu, l’Autorité a démontré l’existence d’un tel accord à l’aide d’échanges de courriels dans lesquels le grossiste importateur faisait notamment part au fabricant de sa surprise de voir ses produits commercialisés par un concurrent.

Pour le reste, ces décisions permettent à l’ACNC de rappeler que les pratiques d’exclusivité d’importation peuvent toutefois être exemptées sur le fondement de l’article Lp. 421-4 du même code.   En vertu de cet article, « les auteurs peuvent justifier qu’ils [les accords d’exclusivité d’importation] sont fondés sur des motifs objectifs tirés de l’efficacité économique et qui réservent aux consommateurs une partie équitable du profit qui en résulte », même si les sociétés en cause n’ont finalement pu en bénéficier.

L’Autorité souligne également que le standard de preuve requis pour démontrer l’existence de telles exclusivités est moins élevé que celui exigé en matière de restrictions verticales ou d’abus de position dominante, puisque le seul fait de constater l’existence d’accords ou de pratiques concertées aboutissant à l’octroi de droits exclusifs d’importation permet d’établir l’infraction, sans avoir à analyser les effets anticoncurrentiels.

A l’exception de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française, on rappellera que l’Autorité de la concurrence française avait récemment sanctionné, dans une décision n° 20-D-16 du 29 octobre 2020 les champagnes Nicolas Feuillatte et les importateurs Financière Martin et Distillerie Dillon pour avoir respectivement accordé et bénéficié de droits exclusifs d’importation sur les champagnes Nicolas Feuillatte et Palmes d’Or à Saint-Martin, Saint-Barthélemy et en Martinique. Ces pratiques anticoncurrentielles ont perduré après le 22 mars 2013, date de fin de la période accordée aux entreprises pour se conformer aux dispositions de la loi Lurel introduisant l’article L. 420-2-1 du code de commerce français. Cet article s’applique aux DROM en vertu l’article 73 de la Constitution française (Guadeloupe, Réunion, Guyane, Martinique et Mayotte) ainsi que dans les COM (Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna).

Les entreprises ayant une activité économique dans ces pays doivent être extrêmement prudentes dans la rédaction de leurs accords avec des distributeurs présents dans les DROM/COM sous peine d’être sanctionnées d’une amende dont le montant peut aller jusqu’à :  

  • Enfin, si aucune disposition spécifique ne sanctionne les exclusivités d’importation en Polynésie (la loi du pays n°2018-31 ayant supprimé une telle interdiction), de tels accords mis en œuvre en Polynésie pourrait toutefois être appréhendés par le droit commun des pratiques anticoncurrentielles (entente et abus de position dominante) !
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