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Concurrence et enjeux climatiques, quels leviers propres à l’Autorité de la concurrence ?

Document de travail de l’Autorité de la concurrence, l’AMF, l’Arcep, l’ART, la CNIL, la CRE, le CSA et HADOPI « Accord de Paris et urgence climatique : enjeux de régulation »

Le 5 mai 2020, un groupe informel d’autorités publiques et administratives indépendantes a publié un document de travail intitulé « Accord de Paris et urgence climatique : enjeux de régulation ».

Dans un contexte de crise sanitaire, qui questionne la résilience de nos économies et la durabilité de nos modèles de sociétés, les régulateurs français y exposent les prémices de leurs réflexions au sujet de l’articulation entre leurs mandats respectifs et les objectifs fixés par l’Accord de Paris en décembre 2015. Pour mémoire, cet accord signé par 195 Etats est venu acter l’objectif de contenir le réchauffement de la planète en-dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels.

Certains secteurs d’activité régulés, comme l’énergie et les transports, sont directement concernés par l’objectif de neutralité carbone pour 2050, fixé par la Loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, mais également par le Pacte vert pour l’Europe, mis en place par la Commission européenne en décembre 2019. De la même manière, la stratégie numérique annoncée par la Commission européenne en février 2020, fixe un objectif de neutralité carbone à horizon 2030 des réseaux de télécommunication et des centres de données.

Plus généralement, l’ensemble des acteurs de l’économie, qu’ils participent à des activités régulées ou non, sont concernés par la question du coût de cette transition. Or, faire face à ces coûts et aux nouvelles contraintes de protection de l’environnement pourrait favoriser le recours des entreprises à des comportements concertés, en contradiction avec la prohibition des ententes anticoncurrentielles. Les problématiques de concurrence ne sont donc pas étrangères à l’accomplissement des objectifs fixés par l’Accord de Paris.

La mission de l’Autorité de la concurrence consiste en l’application des règles du droit de la concurrence et non à la protection de l’environnement. Il n’en demeure pas moins qu’elle dispose de leviers pour assurer une meilleure protection de celui-ci. Parmi ces leviers, une prise en compte accrue de la dimension environnementale dans l’appréciation du bien-être des consommateurs pourrait impacter sensiblement ses décisions, tant au regard des pratiques anticoncurrentielles qu’au regard du contrôle des concentrations.

À titre d’exemple, dans sa décision n° 17-D-20 du 18 octobre 2017, relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des revêtements de sols résilients, l’Autorité de la concurrence a pu condamner des entreprises fabricantes de revêtements sur le fondement des articles L. 420-1 du Code de commerce et 101 du Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne. Ces entreprises étaient convenues de renoncer à se concurrencer sur la base des mérites de leurs produits au regard de critères environnementaux. Cet accord les dissuadait notamment d’améliorer leurs performances environnementales et, in fine, réduisait le bien-être du consommateur final.

En toute hypothèse, et dans la droite ligne du document de travail publié le 5 mai, l’on peut penser que la détermination du montant des sanctions des pratiques anticoncurrentielles sera également impactée. En effet, l’Autorité de la concurrence pourrait être amenée, dans son appréciation de la gravité des comportements, à porter une attention toute particulière aux conséquences pour l’environnement et le climat des pratiques constatées.  

Enfin, il conviendra d’être attentifs aux avis de l’Autorité de la concurrence, levier supplémentaire à disposition du régulateur, en ce qu’ils pourraient fournir un cadre concurrentiel favorisant l’émergence de comportements vertueux pour l’environnement de la part des entreprises.

Ce chantier de réflexion, loin d’être anodin, ne manquera pas d’influencer la révision actuelle du règlement européen d’exemption sur les restrictions verticales également !

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