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L’autorité de la concurrence sanctionne le fabricant de dispositifs de vidéosurveillance Mobotix et ses grossistes pour entente sur les prix de vente et restriction de la vente en ligne de ces produits (Décision 21-D-26 du 08 novembre 2021)

Le 8 novembre 2021, l’Autorité de la concurrence a rendu une décision sanctionnant à hauteur de 1,4 million d’euros le fabricant de matériels de vidéosurveillance de marque Mobotix et trois de ses huit grossistes pour avoir mis en œuvre, pendant sept ans, de 2012 à 2019, deux ententes verticales, la première, visant à fixer les prix de revente des produits Mobotix de manière indirecte en harmonisant l’affichage, la seconde, visant à restreindre la vente en ligne de ces produits.

  1. Sur l’entente verticale sur les prix

Selon le rapport d’enquête, Mobotix communiquait à ses grossistes et à leurs clients revendeurs des prix dits « conseillés », en diffusant des listes de prix comprenant un prix de revente au détail auprès de ses partenaires, mais également via son site Internet.

En s’appuyant sur un ensemble de stipulations contractuelles, Mobotix s’est entendue avec trois de ses grossistes (ACTN, BE IO et EDOX) pour que ces derniers affichent des prix correspondant aux prix qu’elle leur diffusait et s’engagent à ce que leurs clients revendeurs respectent la même obligation de conformité des prix minimums annoncés (point 179). Les prix de détail diffusés par Mobotix ne revêtaient donc pas le simple caractère de prix conseillés, mais avaient vocation à être appliqués par les revendeurs-installateurs. Partant, et sous couvert de veiller à la cohérence de l’information relatives à ses produits, Mobotix a cherché à harmoniser les prix de revente de ses produits sur le marché de détail et limité l’incitation des revendeurs à se livrer une concurrence par les prix sur la revente de ses produits. Mobotix a ainsi conféré aux prix de revente au détail minimum communiqués aux distributeurs le caractère de prix imposés (point 196).

En outre, Mobotix s’appuyait sur d’autres leviers pour maintenir des prix minimum chez ses grossistes et revendeurs en mettant, notamment, en œuvre un programme de partenariat visant à garantir la stabilité de ses marges.

Bien que les entreprises mises en cause aient contesté l’existence d’un accord de volontés (point 170), l’Autorité y répond en indiquant qu’il n’était pas nécessaire de réunir un faisceau d’indices pour démontrer l’existence d’une entente verticale sur les prix, dès lors qu’elle disposait d’indices documentaires venant établir, d’une part, l’invitation du fabricant, et d’autre part, l’acquiescement des distributeurs à la pratique litigieuse (point 178). L’Autorité rappelle en outre qu’il est de jurisprudence constante que la démonstration d’un accord de volontés n’exige pas, en présence de preuves contractuelles, de procéder à l’examen de preuves additionnelles de nature comportementale. Il n’est dès lors pas nécessaire d’examiner les autres éléments retenus par les services d’instruction (point 186). Ainsi, et par facilité, l’Autorité se dispense-t-elle de réunir un faisceau d’indices articulés en trois branches pour démontrer l’existence d’une entente verticale sur les prix.

Dans le même sens, l’Autorité écarte facilement les objections formulées par les sociétés mises en cause et notamment :

 (i) sur la circonstance que les produits Mobotix soient intégrés dans un projet d’installation qui comprend un ensemble de prestations, de sorte que le prix des produits eux-mêmes n’est pas déterminant dans le choix final du consommateur : l’Autorité répond en indiquant que les prix des équipements représentent une part substantielle du coût total supporté par le client (point 215), sans pour autant apprécier la possibilité de modulation des postes de coûts.

(ii) sur l’absence de mécanisme de sanction contractuel : l’Autorité se contente de répondre que les clauses présentent un caractère impératif en tant que tel – dès lors que leur non-respect peut entrainer la résolution du contrat et engager la responsabilité contractuelle du cocontractant (point 206). Elle ajoute, au surplus, que la jurisprudence n’impose pas aux autorités de concurrence d’établir l’existence d’un mécanisme de surveillance ou de sanctions pour démontrer une entente verticale par les prix (point 207).

L’Autorité conclut qu’en exigeant une harmonisation des informations de prix publiées par la quasi-totalité de ses distributeurs au stade de la vente en gros et par leurs clients au stade de la vente au détail, Mobotix a recherché à obtenir une uniformité des communications relatives aux prix de ses produits sur toute la chaîne de valeur et sur la totalité du territoire français, impliquant ainsi une diminution de la concurrence inter-marque entre grossistes et entre revendeur-installateurs (point 219). De telles pratiques sont considérées comme anticoncurrentielles par leur objet même.  

  • Sur l’entente verticale sur la limitation des ventes en ligne

Pour caractériser cette seconde entente verticale, l’Autorité use du même raisonnement « simplifié » tenant à la qualification de « preuves directes » suffisant à établir la réalité de l’entente visant à restreindre la vente en ligne des produits Mobotix.

L’Autorité relève que les contrats conclus par Mobotix avec trois de ses grossistes incluaient un ensemble de stipulations incitant ces grossistes à sélectionner uniquement des revendeurs qui ne commercialisaient pas la majorité de leurs produits Mobotix en ligne et ce, en application du « Programme Partenaire Mobotix » (point 249).

Ainsi, suivant ce programme mis en place par Mobotix, seuls les distributeurs qui réalisaient moins de 50% de leurs ventes en ligne pouvaient-ils être sélectionnés. En effet, les grossistes devaient seulement s’assurer que les revendeurs sélectionnés n’aient « pas de boutique en ligne comme principale activité » (point 272).

Pourtant, dans son raisonnement, l’Autorité laisse entendre que les revendeurs ne pouvaient être sélectionnés dès lors qu’ils pratiquaient des ventes en ligne, faisant ainsi abstraction des 50% constatés. Partant, pour l’Autorité, qu’il y ait interdiction pure et simple de la revente en ligne ou que celle-ci soit limitée à 50% des produits contractuels serait la même chose !

Or, il n’échappe pas qu’au stade de l’appréciation du dommage à l’économie, l’Autorité relevait que le marché français des produits de vidéosurveillance n’avait pu être affecté que de façon limitée, dans la mesure où les ventes en ligne propre à ce secteur sont très réduites, comme en témoignent les déclarations des revendeurs (point 409).

Qu’à cela ne tienne, l’Autorité préfère ignorer cette spécificité du marché et retient une interdiction faite aux grossistes de vendre les produits Mobotix aux revendeurs disposant uniquement d’une boutique en ligne plutôt que de constater une limitation des ventes en ligne.

Ce faisant, l’Autorité refuse le bénéfice de l’exemption sur le fondement de l’article 2 du Règlement européen sur les accords verticaux n°330/2010 (en cours de réforme !), et plus particulièrement, la liberté des fournisseurs d’exiger de leurs distributeurs qu’ils disposent d’un ou plusieurs points de vente physique pour faire partie du réseau de distribution. Ce raisonnement strict de l’Autorité pourrait paraître trop rigide et ce, à plus forte raison que l’Autorité retient que les stipulations contractuelles, tout comme les différents documents recueillis au cours de l’enquête, ne comportent pas une limitation exprimée en termes absolus.

Après analyse de la gravité des faits et de l’importance du dommage causé à l’économie, l’Autorité prononce les sanctions suivantes, pour les deux griefs constatés :

EntrepriseMontant de la sanction concernant les ententes verticales sur les prix (En euros)Montant de la sanction concernant les ententes verticales sur la limitation de la vente en ligne (En euros)Montant total de la sanction (En euros)
Mobotix386 854257 903644 757
ACTN293 080195 837488 467
BE IP100 99867 332168 330
EDOX58 60139 06797 668

Cette nouvelle décision sanctionnant les ententes verticales sur les prix et les restrictions des ventes en ligne s’inscrit dans la droite ligne des décisions de l’Autorité n°21-D-20 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des lunettes et montures de lunettes et n°20-D-20 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des thés haut de gamme.

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