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Le Parlement adopte définitivement le projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume‑Uni de l’Union européenne

Projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du RoyaumeUni de l’Union européenne

Mercredi 10 juin 2020, le Sénat a adopté le projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne.

Ce projet de loi a été conçu en réaction à la crise sanitaire exceptionnelle traversée par la France. La loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 avait déjà apporté des réponses à l’urgence engendrée par cette situation, notamment en renforçant les moyens mis à disposition des autorités exécutives pour faire face à la situation. Ce projet de loi vient en complément des précédentes mesures mises en œuvre. Les incertitudes liées au calendrier parlementaire ont fait apparaître la nécessité de prendre des décisions de manière anticipée. 

Ce texte traite de sujets très variés, tels que la procédure de jugement en matière pénale, les régimes d’intéressement dans les petites et moyennes entreprises ou encore la gouvernance des fédérations de chasseur. C’est la raison pour laquelle de fortes réserves ont été émises par la commission des lois, celui-ci apparaissant dénué de fil directeur. Ce projet de loi lui est apparu comme étant « le plus hétérogène depuis le début des années 2010 et les lois Warsmann de simplification du droit »[1].

D’un point de vue global, les principales mesures en découlant sont :

  • L’habilitation du Gouvernement à prendre les mesures, par le biais d’ordonnances, destinées à faire face aux conséquences du covid-19, qu’il s’agisse de sa propagation ou des mesures prises pour limiter celle-ci, pour assurer le maintien de la continuité des missions de services militaire et public, adapter les dispositions relatives à l’activité partielle et accompagner la reprise d’activités ;
  • La prolongation de certains mandats, principalement ceux d’ordre professionnel ou des mandats sociaux des représentants des salariés ;
  • La faculté offerte aux procureurs de la République de demander aux présidents des tribunaux judiciaires la réorientation des procédures correctionnelles ou contraventionnelles, lorsqu’une audience sur le fond n’est pas encore intervenue, afin d’apurer l’accumulation des affaires pénales ;
  • Les mesures assouplissant les dispositions régissant les différents contrats de travail ;
  • L’autorisation accordée au Gouvernement lui offrant la faculté de prendre, par ordonnances, les mesures nécessaires à la préservation des intérêts de la France dans le contexte du Brexit, en perspective du terme de l’accord de la période de transition, lequel est programmé au 31 décembre 2020[2]. Les sujets de cette habilitation sont divers et portent notamment sur les exportations de matériels militaires et spatiaux, les contrats d’assurance, la situation des ressortissants britanniques résidant en France ou y exerçant une activité et des personnes morales établies au Royaume-Uni ou de droit britannique exerçant une activité en France et le tunnel sous la Manche.

Sur le plan du droit économique, deux dispositions ont attiré notre attention.

En premier lieu, l’article 42 apporte des nouveautés en droit de la consommation. Ainsi, certaines dispositions ont été modifiées afin de formaliser l’introduction en droit interne du règlement (UE) n° 2017/2394 en date du 12 décembre 2017, sur la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l’application de la législation en matière de protection des consommateurs, qui a abrogé le règlement (CE) n° 2006/2004.

De plus, cet article met en place une procédure de transaction administrative ad hoc, autorisant la DGCCRF, lorsqu’elle informe l’auteur d’un manquement puni d’une sanction administrative envisagée à son encontre, de lui proposer une transaction. Cette proposition suspend le délai d’un mois permettant à l’auteur présumé des pratiques de présenter des observations contradictoires. Sur le plan formel, le montant de la somme à verser au Trésor devra être indiqué, celui-ci étant déterminé en fonction des engagements pris par l’auteur. Cette somme devra être inférieure au montant maximum encouru. L’accord pourra comporter l’obligation pour l’auteur des pratiques de cesser les pratiques, de réparer le préjudice subi par les consommateurs et/ou faire l’objet d’une mesure de publicité.

Il convient de noter que pour les transactions pénales, des précisions similaires sont apportées. Ainsi, la proposition de transaction devra préciser le montant de l’amende, déterminé de la même manière que pour les transactions administratives, et pourra comporter des mesures visant à faire cesser les pratiques.

Initialement, le projet de loi permettait à la DGCCRF, afin de protéger les consommateurs des pratiques illicites ayant lieu sur Internet, de prendre des mesures permettant de faire cesser ces pratiques (restreindre l’accès à certains sites en ligne ; ordonner l’affichage d’un message d’avertissement à destination des consommateurs sur les pages litigieuses ; demander la suppression des noms de domaine). Toutefois, la commission des lois a remis en cause la constitutionnalité d’un tel dispositif, le blocage administratif de contenu internet étant strictement encadré par la liberté d’expression et de communication. En outre, la DGCCRF dispose aujourd’hui de moyens d’actions suffisamment efficaces. En effet, en référé ou sur requête, elle peut saisir l’autorité judiciaire compétente afin de lui demander de prescrire aux fournisseurs d’accès à Internet ou aux hébergeurs en ligne de prendre les mesures proportionnées destinées à faire cesser le dommage occasionné par le contenu d’un service de communication au public en ligne[3].

En second lieu, certaines mesures issues de loi Egalim sont prolongées et modifiées. En effet, l’article 54, I, 2° habilite le Gouvernement à prolonger pour une durée de quatorze mois, par ordonnances et dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi, les dispositions issues de l’ordonnance n° 2018-1128 du 12 décembre 2018 relative au relèvement du seuil de revente à perte et à l’encadrement des avantages promotionnels pour les denrées et produits alimentaires. Bien que le Sénat se soit opposé à ce qu’une telle habilitation soit conférée au Gouvernement (voir notre article à ce sujet), la commission mixte paritaire s’est rangée derrière l’avis de l’Assemblée nationale.

S’agissant de l’encadrement en volume des promotions, le projet de loi habilite le Gouvernement à exclure de son champ d’application les denrées alimentaires dont la vente présente un caractère saisonnier marqué. A ce titre, si des produits comme le champagne, le lapin ou les chocolats de Noël ou de Pâques ont pu être visés, il ressort des débats de la commission mixte paritaire que les tomates ne sont pas un produit à caractère saisonnier marqué, l’argument avancé étant que la plupart des tomates cultivées en France le sont sous serre.

Adopté par l’Assemblée nationale et le Sénat, ce projet de loi devrait, d’ici peu, être promulgué.


[1] Rapport n° 453 (2019-2020) de Mme Muriel Jourda, fait au nom de la commission des lois, déposé le 20 mai 2020.

[2] Sous réserve d’une décision de prolongation d’un ou deux ans, pouvant survenir d’ici fin juin.

[3] Article L. 524-3 du Code de la consommation.

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