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Loi Climat et résilience : un bon équilibre entre les nécessités écologiques, sociales et économiques, quelques propos hors du cadre habituel du droit de la concurrence !

Le projet de loi « portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets » est issu des travaux de la Convention citoyenne, une expérience démocratique d’une ampleur inédite, voulue par Emmanuel Macron pour tenter de répondre à la crise des « gilets jaunes ». Le Président de la République a en effet retenu une cinquantaine de propositions de cette Convention, d’autres ont d’ores et déjà été reprises par décret, dans la loi de finances ou la loi anti-gaspillage.

Adoptée définitivement le 20 juillet, la loi Climat et Résilience fait l’objet d’une saisine devant le Conseil constitutionnel depuis le 27 juillet.

Porté par la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili, il comportait à l’origine six titres (consommation, production et travail, déplacements, logement, alimentation, évolution du droit) et 69 articles. L’objectif du gouvernement était de faire entrer une écologie de bon sens dans le quotidien des Français : fin programmée des passoires thermiques, interdiction de la publicité en faveur des énergies fossiles, transport plus responsable, artificialisation des sols ralentie, augmentation de la part du vrac dans les commerces, suppression de certaines lignes aériennes, sobriété numérique, création du délit d’écocide… 

Mais différents amoindrissements, avancées ou mutations ont pu être constatés.

En effet, les députés ont adopté en première lecture, le 4 mai dernier, ce projet de loi en le faisant passer de six à sept titres et de 69 à 218 articles. Cette inflation a par exemple sensiblement renforcé l’ambition du texte sur les menus végétariens dans la restauration collective, en imposant, à partir de 2023, l’obligation de proposer une option végétarienne quotidienne dans les restaurants collectifs des administrations et entreprises publiques, lorsqu’un choix de plats est déjà possible. 

La loi rendrait également obligatoire l’instauration de « zones à faibles émissions », limitant la circulation des véhicules les plus polluants, dans les agglomérations de plus de 150 000 habitants d’ici à fin 2024, ce qui portera leur nombre à 43, contre 10 aujourd’hui, et permettra de réduire la pollution de l’air.

Tout comme elle interdirait l’exploitation de services aériens sur les liaisons intérieures au territoire national dès lors qu’une alternative en train existe en moins de deux heures trente et rend impossible la déclaration d’utilité publique en cas de construction ou d’extension d’aérodrome.

Le Sénat a, quant à lui, accompli l’examen du tentaculaire projet de la loi Climat et Résilience le 28 juin et a introduit d’importants reculs sur les menus végétariens ou les zones à faibles émissions, mais aussi quelques progrès, comme sur le train. Ils ont approuvé une baisse de la TVA sur les billets de train de 10 % à 5,5 %, l’une des propositions de la convention citoyenne pour le climat, dont n’avaient voulu ni le gouvernement ni les députés.

Alors même que rien ne semblait le laisser présager, certains parlant même de bras de fer entre le Sénat et le gouvernement, les parlementaires des deux chambres ont fini par trouver un compromis sur ce projet de loi dense dans la nuit du 12 au 13 juillet.

Toutefois, bien qu’il s’agisse d’un projet de loi fort louable, son insuffisance est dénoncée de tous côtés. Comment l’expliquer ? Il faut, dans un premier temps, se plonger dans les chiffres.

La France s’est engagée au niveau international à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 40 % d’ici à 2030 par rapport à 1990. Elle a ainsi déjà parcouru la moitié du chemin. Or, les différentes mesures du projet de loi qui ont pu être quantifiées conduisent, en cumulé, à une baisse de rejets carbonés de presque 12 millions de tonnes par an, soit 10 % du chemin qu’il reste à parcourir.

De plus, si cet objectif a été évoqué lors de l’exposé des motifs, le gouvernement n’a pas souhaité l’intégrer alors même que les indicateurs prospectifs sont contre lui ces temps derniers notamment au regard de l’affaire considérée pour certains comme l’«Affaire du siècle » par exemple[1]. L’Europe, enfin, n’entend pas s’arrêter là puisqu’elle s’est engagée à diminuer de 55% les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 afin d’atteindre la neutralité carbone en 2050[2].

A cette image, la Cour constitutionnelle allemande a jugé, dans une décision du 29 avril 2021, que l’objectif allemand pour 2030, pourtant fixé à 55 %, était « insuffisant » et menaçait « pratiquement toute liberté garantie par la loi fondamentale forçant le gouvernement à relever son objectif pour 2030 à 65 %.

Pléthores de critiques ont donc pu être constatées face à ce manque d’ambition : projet de loi « au rabais » pour Greenpeace, « loi de « greenwashing » aveugle face à l’urgence climatique » pour Yannick Jadot (EELV), « plus petit dénominateur commun employé » pour Nicolas Hulot.

D’autant plus que ces avis au vitriol ne se limitent pas au milieu écologiste. En effet, pour les instances consultées par le gouvernement, le compte n’y est pas. Le Conseil national de la transition écologique s’est inquiété « de la baisse insuffisante des émissions de gaz à effet de serre induite par cette loi », tandis que le Conseil économique, social et environnemental estime que les nombreuses mesures « sont en général pertinentes mais souvent limitées, souvent différées, souvent soumises à des conditions telles qu’on doute de les voir mises en œuvre à terme rapproché ».

En tout état de cause, cette dernière grande loi environnementale du quinquennat doit réussir à créer la « rupture dans la société française » nécessaire pour éviter des dérèglements climatiques majeurs.

Quelques mesures phares adoptées définitivement !

  • Interdiction de mettre en location les logements mal isolés : les étiquettes G à compter de 2025, les F en 2028 et les E en 2034
  • Création d’un réseau national d’accompagnateurs rénov’, pour permettre de simplifier et rendre plus efficaces les travaux de rénovation de tous les Français
  • Interdiction des vols domestiques en cas d’alternative en train de moins de 2h30 et la compensation carbone obligatoire de tous les vols domestiques d’ici 2024
  • Un menu végétarien quotidien dans les cantines de l’État et des universités qui proposent plusieurs menus
  • Création d’une « étiquette environnementale » pour afficher l’impact, notamment sur le climat, des produits que nous consommons
  • Affirmation du rôle fondamental de l’éducation au développement durable du primaire au lycée
  • Expérimentation du « oui pub » pour limiter la diffusion de prospectus dans nos boites aux lettres
  • Plus de vente en vrac avec 20% de surfaces consacrées dans les grandes et moyennes surfaces d’ici 2030
  • Interdiction d’implanter de nouveaux centres commerciaux sur des sols naturels ou agricoles
  • Obligation d’installer des panneaux solaires ou des toits végétalisés quand on construit ou rénove lourdement de grands bâtiments
  • Possibilité pour les salariés de s’exprimer sur la stratégie environnementale de leur entreprise
  • Prise en compte des critères écologiques dans tous les marchés et les commandes publics

[1] TA Paris, 3 févr. 2021, n° 1904967, Associations Oxfam FranceNotre affaire à tousGreenpeace FranceFondation pour la nature et l’homme

CE 19 nov. 2020, n° 427301, Cne Grande-Synthe

[2] Il faut remarquer néanmoins que les sénateurs avaient créé un article préliminaire engageant la France à respecter les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre qui découleront de la révision prochaine du règlement européen.

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