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NOTE D’ACTUALITÉ – avril 2023 – Enquêtes de concurrence – Saisie de documents

Dans un arrêt du 21 février 2023, n° 21-85.572 publié au bulletin, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a étendu aux enquêtes de concurrence[1] une solution identique à celle rendue pour les enquêtes réalisées par l’Autorité des Marchés Financiers (« AMF »)[2] (1). Elle s’est également prononcée sur le rôle dévolu aux officiers de police judiciaires (ci-après : « OPJ ») et au juge des libertés et de la détention lors des opérations de visites et saisies (2).
  1. L’étendue des saisies.

La Cour affirme que les enquêteurs peuvent saisir :

« tous les documents et supports d’information qui sont en lien avec l’objet de l’enquête et se trouvent dans les lieux que le juge a désignés ou sont accessibles depuis ceux-ci, sans qu’il soit nécessaire que ces documents et supports appartiennent ou soient à la disposition de l’occupant des lieux ».

Ainsi, la Cour de cassation autorise d’une part, la saisie par les enquêteurs des documents, ordinateurs et téléphones appartenant aux personnes de passage dans les locaux visés par l’ordonnance du juge autorisant la perquisition du moment qu’ils ont un lien avec l’enquête.

Dans les faits, des documents appartenant à des salariés d’une autre filiale du groupe non visée par l’ordonnance du juge des libertés et de la détention (ci-après : « le JLD ») ainsi que ceux appartenant à un consultant extérieur ont été valablement saisis sur les lieux des opérations de visites et saisies.

D’autre part, les données informatiques de ces personnes ont également pu être saisies puisqu’elles étaient accessibles depuis les locaux de la société mère perquisitionnée et que les documents en question étaient en lien avec l’enquête.

Une telle solution s’explique notamment par l’utilisation toujours plus fréquente de facilités de stockage de données à distance des entreprises via des serveurs « cloud ». Les informations ne sont alors pas stockées dans les locaux de l’entreprise mais sont pourtant accessibles depuis celle‑ci. Une solution inverse retenue par la Cour de cassation aurait permis aux entreprises de soustraire aux autorités leurs documents sensibles en les stockant sur des serveurs situés en dehors des locaux de l’entreprise ; ce qui aurait été étonnant ! 

Dès lors, l’on peut retenir que deux conditions sont nécessaires pour que des enquêteurs de l’Autorité de la concurrence ou de la Commission européenne saisissent des documents n’appartenant pas à l’occupant des lieux : (i) que ceux-ci se situent ou soient accessibles depuis les lieux visés par l’ordonnance du JLD et (ii) que ces documents soient en lien avec l’enquête.

  • Les rôles de l’officier de police judiciaire et du juge des libertés et de la détention.

Dans les faits qui ont donné lieu au présent arrêt, l’OPJ avait refusé de saisir le JLD le jour même de la demande de l’avocat de l’entreprise visitée afin que lui soit communiqués sur le champ les mots clés utilisés par l’Autorité de la concurrence. La demande sera communiquée par l’OPJ au JLD le lendemain.

Les juges de cassation écartent le moyen de nullité tenant au fait que l’OPJ n’ait pas immédiatement transmis la demande au JLD en précisant que l’OPJ apprécie « l’opportunité d[e] saisir immédiatement le juge chargé du contrôle des opérations ». Il est affirmé que l’OPJ n’est pas tenu de rendre compte à tout moment du déroulement des opérations au JLD, au risque de surcharger le magistrat en cas d’opérations simultanées et que le recours juridictionnel du Premier président n’est pas entravé par la transmission des réserves après la fin des investigations.

En outre, la Cour estime que d’une part, la question de savoir si les mots clés utilisés par les agents de l’Autorité de la concurrence doivent être immédiatement communiqués à l’avocat et d’autre part, les différentes réserves concernant le champ des éléments saisis relèvent du recours devant le Premier président. Dès lors, aucune atteinte irréversible n’a été causée aux intérêts de la société appelante qui a pu faire valoir ses arguments devant le premier président de la Cour d’appel de Versailles.


[1]     Précisément aux enquêtes dites « lourdes » de l’article L. 450-4 du Code de commerce.

[2]     Ass. Plén., 16 décembre 2022, pourvois n° 21-23.685 et 21-23.719, publiés au Bulletin.

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