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Produits vendus sous marque de distributeur (MDD) : la CEPC publie ses nouvelles recommandations

La CEPC a rendu publique le 22 décembre dernier sa recommandation n° 20-2 relative à un guide de bonnes pratiques en matière de contrats portant sur des produits à marque de distributeur (MDD).

Cette nouvelle recommandation annule et remplace la recommandation° 10-1 du 3 juin 2010 relative à l’élaboration des contrats de marques de distributeurs.

La proportion des produits MDD a en effet bien évolué ces dix dernières années puisqu’ils représentent aujourd’hui 32.8% des ventes en GMS.

C’est entre autres cette expansion qui a conduit le Ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation et la ministre déléguée en charge de l’Industrie à saisir la CEPC aux fins de dresser un état des lieux du marché des produits MDD, et de dégager les bonnes pratiques à adopter par les différents acteurs de cette filière.

La CEPC précise que ce guide de bonnes pratiques a vocation à encadrer l’ensemble des relations entre fabricants et distributeurs portant sur des produits MDD, qu’il s’agisse de produits agricoles ou de produits de grande consommation, alimentaires et non alimentaires, commercialisés dans les circuits de distribution à dominante alimentaire du commerce physique, ou dans les circuits du e-commerce.

A ce titre, la CEPC considère que trois critères cumulatifs doivent être réunis pour qu’un produit soit qualifié de produit MDD :

  • Les caractéristiques des produits sont définies par le distributeur dans le cadre d’un cahier des charges qui reflète l’expression de ses besoins particuliers ;
  • Le distributeur assure la vente au détail des produits en question ;
  • Le distributeur est propriétaire de la marque sous laquelle il vend les produits (marque propre ou marque d’enseigne).

L’application de ces critères cumulatifs exclut ainsi la qualification de produits MDD pour les marques dites « blanches » ou « réservées », ces dernières étant la propriété du fournisseur.

Ainsi, au regard de ces éléments et des pratiques actuelles des opérateurs, la CEPC a recensé les bonnes pratiques qu’il convient de mettre en œuvre au cours de la phase de négociation du contrat (I), puis pendant la phase d’exécution du contrat (II) et enfin à la fin de la relation contractuelle (III).

1. Recommandations pendant la phase précontractuelle

  • En matière de produits MDD, c’est le distributeur qui doit définir son besoin particulier et solliciter les fabricants.

Pour ce faire, le distributeur doit établir un document qui comporte toutes les exigences que ce soit sur le plan commercial ou marketing, technique, qualitatif, juridique ou bien encore logistique ; il s’agit du cahier des charges communiqué par le distributeur, sur la base duquel le ou les fabricants de produits MDD seront sélectionnés.

  • Ensuite, selon les situations, le distributeur sélectionne le ou les fabricants :
    • soit dans le cadre d’une négociation de gré à gré : notamment en cas d’évolution liée à une demande spécifique du distributeur ou dans le cas d’une recommandation du fabricant (révision d’un produit existant, création d’un nouveau produit venant compléter la gamme existante, partenariat de création de produits locaux…).

      Dans ce cadre, le distributeur doit communiquer au fabricant un certain nombre d’éléments tels que les besoins spécifiques, les volumes prévisionnels, les calendrier prévisionnel et le fabricant de son côté, doit communiquer au distributeur ses contraintes de fabrication, les conditions d’exécution du cahier des charges, l’audit qualité du lieu de production, les tests de produits.

      L’ensemble de ces éléments s’inscrit dans une logique de contractualisation de la fabrication, dont la trame de contrat est communiquée par le distributeur. Ce contrat reprend, les spécifications convenues entre le distributeur et le fabricant ainsi que les dispositions contractuelles et commerciales complémentaires telles que le prix, sa révision, les conditions de livraison, issues de la négociation entre le fabricant et le distributeur.
  • soit dans le cadre d’un appel d’offres : lorsqu’il souhaite en particulier solliciter plusieurs fabricants pour un produit ou une gamme de produits et ainsi sélectionner la ou les meilleures réponses au regard de l’expression de ses besoins et le cas échéant confier le marché à plusieurs opérateurs (« marché partagé »).

La CEPC recommande que le déroulement de l’appel d’offres s’articule autour des éléments suivants :

  1. La communication du cahier des charges. La CEPC recommande à ce titre qu’il soit le plus précis possible (délais, volumes, répartition des coûts, critères de sélection…).
  2. Le calendrier du déroulement de l’appel d’offres (le délai estimé de l’examen de l’offre, du résultat de l’appel d’offres, de la mise en production des produits MDD envisagée). La CEPC recommande ainsi que les différentes étapes du processus d’appel d’offres soient encadrées dans la durée.

La CEPC insiste également sur la nécessité pour le distributeur de respecter, tout au long de cette phase de négociation, le secret des affaires du fabricant, ce qui paraît être une évidence, sous peine de se voir reprocher de soumettre le fabricant à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties tel que prévu par l’article L. 442-1-I-2° du code de commerce.

2. Recommandations pendant la phase contractuelle

  • Concernant la formalisation de l’accord des parties, la CEPC recommande que l’accord trouvé entre les parties se matérialise soit par une modification de la trame de contrat initiale proposée par le distributeur, soit par la prise en compte des amendements proposés par le fabricant, discutés et agréés par les parties pour former le contrat ; ce point est bien entendu particulièrement important et les fabricants ne sont pas suffisamment réactifs dans le cadre des modifications qu’ils devraient demander à leurs clients ; il faut à cet égard être beaucoup plus vigilant et exigeant lors de la signature de ce type de contrat dont les clauses sont particulièrement protectrices des distributeurs et responsabilisantes pour les fournisseurs.

Le contrat précise également la liste exhaustive de tous les documents qui engagent les parties.

  • Concernant la durée du contrat la CEPC précise que les contrats annuels ne sont pas d’une durée adaptée à ce type de relation, compte tenu des investissements réalisés et développements mis en œuvre.

La CEPC recommande en conséquence la conclusion de contrats de moyen ou long terme, plus adaptés à la mise en place d’un partenariat pérenne. Cette recommandation ne remet cependant pas en cause les cas des contrats de campagne ou les cas de contrats à durée déterminée liés à la spécificité du produit (par ex : produits saisonniers)

  • Concernant la fixation du prix, la CEPC rappelle que pour les produits alimentaires, le fabricant doit communiquer les indicateurs applicables et retenus pour la détermination du prix afin de permettre d’expliquer leur prise en compte dans le contrat (cf. article L.443-4 du Code de commerce).

Elle invite également à intégrer un mécanisme de révision du prix afin de prendre en compte les fluctuations des matières premières agricoles (via les indicateurs) et des autres composants entrant dans la fabrication du produit (transport, énergie, main d’œuvre, matières sèches, emballages/contenants…) en tenant compte de l’impact de ces fluctuations sur l’équilibre économique du contrat.

Enfin la CEPC recommande que les parties au contrat définissent clairement les modalités de déclenchement et de mise en œuvre de la clause de renégociation prévue à l’article L. 441-8 du code de commerce pour les produits y étant soumis.

  • Concernant la détermination des volumes, la CEPC préconise :
    • d’anticiper les variations de volume et de prévoir des délais de prévenance permettant au fabricant d’anticiper, d’organiser et d’optimiser sa production et, le cas échéant, d’alerter le distributeur sur ses capacités de production ;
    • de prévoir un système d’échanges entre le fabricant et le distributeur afin de suivre la répartition de ce volume prévisionnel tout au long de la durée du contrat ;
    • de mettre en place un système permettant d’assurer efficacement la gestion des commandes, les prévisions de vente et l’ordonnancement des flux.
  • En outre la CEPC invite les parties à se répartir dès le départ les différents coûts liés au développement et à la fabrication du produit (notamment les coûts des prestations telles que marketing, développement, qualité, …).
  • Elle rappelle aussi, concernant les promotions, quela commercialisation d’un produit MDD ne peut donner lieu à une facturation par le distributeur de prestations de services ayant pour objet la mise en avant du produit au sens de ce que l’on connait en matière de coopération commerciale pour les produits commercialisés sous les marques des industriels/producteurs. Une telle démarche constituerait en effet une pratique restrictive de concurrence consistant à obtenir un avantage sans contrepartie visée à l’article L.442-1, I, 1° du Code de commerce. Ce serait par ailleurs un dévoiement de la coopération commerciale !

La CEPC recommande également que le distributeur informe, à titre confidentiel, le fabricant des opérations promotionnelles envisagées, pour permettre à ce dernier d’anticiper et d’organiser au mieux sa production et, le cas échéant, d’alerter le distributeur sur ses capacités de production.

  • Concernant la propriété intellectuelle, compte tenu de la spécificité du processus de fabrication des produits MDD, la CEPC recommande la rédaction de clauses de confidentialité adaptées pour protéger les éléments immatériels de l’une ou l’autre des parties.

Concernant les demandes de communication d’informations du distributeur, la CEPC précise que celles-ci doivent être légitimes, nécessaires, et proportionnées aux fins d’exécution de son activité, et ne doivent pas porter préjudice au fabricant. Ainsi, si le fabricant ne peut pas transmettre certaines informations au distributeur au motif que ces informations sont protégées au titre du secret des affaires et qu’elles doivent être gardées confidentielles, la CEPC considère que le fabricant pourrait garantir au distributeur que les produits respectent bien les éléments du cahier des charges et fournir une attestation à cette fin et ne pas communiquer les informations considérées comme confidentielles.

  • Concernant les pénalités, la CEPC renvoie à la Recommandation n° 19-1 relative à un guide des bonnes pratiques en matière de pénalités logistiques ; attention là également au nombre de pénalités prévues par les contrats MDD.
  • Enfin, en matière de recours en garantie, la Commission invite à préciser le mode opératoire dans le contrat ainsi que les modalités d’assurance du fabricant ; c’est là aussi un point fondamental auquel l’industriel/producteur doit particulièrement faire attention.

3. Recommandations liées à la fin du contrat

Les relations contractuelles concernant les produits MDD n’échappent pas aux dispositions de l’article L. 442-1 II du code de commerce concernant la rupture brutale des relations commerciales établies.

La CEPC recommande à ce titre que le contrat portant sur des produits MDD, s’il est à durée indéterminée, définisse la durée minimale du préavis en fonction notamment de la durée de la relation, de l’importance des investissements, de la part du chiffre d’affaires des produits en cause pour le fabricant.

Si le distributeur décide de mettre fin à la relation afin de mettre en concurrence des fabricants, la mise en concurrence par appel d’offres, notifiée par écrit, constitue le point de départ du préavis à l’égard du fabricant de produits MDD, que ce dernier soit sollicité ou non pour participer à l’appel d’offres.

Enfin, il est recommandé que le contrat détermine le sort des emballages et des produits finis en cas de cessation du contrat.

La CEPC précise à cet égard que si le fabricant a informé le distributeur, dès le début de la période de préavis, qu’il détenait des stocks de produits et/ou d’emballages supérieurs aux quantités prévues par le contrat pour des raisons légitimes et justifiées (rotations insuffisantes des produits, seuils minimum de commande auprès de l’imprimeur,…), il est de bonne pratique que le distributeur et le fabricant échangent sur le sort  des stocks d’emballages et de produits finis restant en la possession du fabricant et déterminent leurs modalités d’écoulement. 

Enfin, la CEPC souligne qu’en cas de litiges et pour éviter le contentieux ou, plus généralement, pour saisir les meilleures opportunités d’accord, il est opportun d’utiliser toutes les techniques de règlement amiable des litiges, notamment celle de la médiation.

***

De manière générale, les contrats de MDD se multiplient et sont de mieux en mieux rédigés mais attention car une fois signés, ils constituent la parole contractuelle. Donc attention à ne pas signer les yeux fermés en se disant que l’on verra ensuite car il sera trop tard même si l’administration peut accompagner certaines PME notamment – nombreuses à fabriquer des produits MDD – dans la dénonciation de certaines clauses sur fond de déséquilibre significatif !

Ne pas oublier que les fournisseurs peuvent aussi rédiger des conditions générales de fabrication de produits sous MDD à l’instar des CGV bien connues pour les MDF.

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