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Proposition de loi Besson-Moreau : un texte en construction

Les 15 et 16 juin 2021, la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale a examiné la proposition de loi de M. Grégory Besson-Moreau et plusieurs de ses collègues visant à protéger la rémunération des agriculteurs (n° 4134). Cette proposition de loi sera discutée dans l’hémicycle la semaine prochaine, jeudi 24 juin 2021.

Lors de l’examen en Commission, sur les nombreux amendements déposés (518 au total), 87 amendements ont été adoptés et les modifications apportées au texte initial sont nombreuses :

Article 1 – sur l’amont agricole (38 amendements adoptés)

Le texte initial de la proposition de loi posait le principe selon lequel il sera demain obligatoire de conclure un contrat écrit pluriannuel à l’amont, entre producteur agricole et premier acheteur. La Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale est venue amender ce texte sans toutefois modifier ce principe.

Tout d’abord, la Commission a amendé le texte initial afin que le décret fixant le seuil de chiffre d’affaires en-dessous duquel les entreprises n’ont pas l’obligation de conclure un contrat soit facultatif, et ce, pour permettre au pouvoir règlementaire d’apprécier, filière par filière, si un tel seuil d’exclusion doit être prévu.

S’agissant ensuite de la durée minimale de ces contrats de vente entre producteur agricole et premier acheteur, le texte initial prévoyait pour mémoire un minimum de trois ans, avec la possibilité que cette durée minimale puisse être augmentée jusqu’à cinq ans, par extension d’un accord interprofessionnel. La Commission a bien maintenu ce minimum de trois ans, tout en prévoyant néanmoins qu’en l’absence d’accord étendu, un décret en Conseil d’Etat puisse venir augmenter la durée minimale jusqu’à cinq ans.

Ensuite, plusieurs amendements visant à s’assurer que les indicateurs prévus par l’article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime (CRPM) soient appliqués à l’ensemble des volumes faisant l’objet du contrat ont ensuite été adoptés (ajout de la précision à l’article L. 631-24, III, 2° du CRPM selon laquelle le contrat écrit doit comporter une clause précisant les quantités « totales » qui pourront ou devront être livrées) et le nouveau texte issu de l’examen par la Commission des affaires économiques prévoit en outre, désormais, que le contrat visé à l’article L. 631-24 du CRPM devra faire apparaître clairement, dans les modalités de détermination du prix, la « pondération des indicateurs » de référence ayant permis de calculer ce prix.

Ce nouveau texte ajoute également une modification de l’actuel article L. 631-24 du CRPM, lorsqu’il est fait référence aux indicateurs élaborés et diffusés par les organisations interprofessionnelles, afin de remplacer le verbe « diffuser » par le verbe « publier », laissant ainsi sous-entendre que les indicateurs élaborés devront être « publiés » en dehors des organisations interprofessionnelles et non pas seulement « diffusés » à l’intérieur de ces organisations.

Enfin, la Commission a adopté un amendement visant à sanctionner explicitement, dans le code rural et de la pêche maritime, par le biais d’une amende administrative prévue à l’article L. 631-25 du CRPM, les « clauses d’alignement concurrentiel » qui se développent dans certains secteurs et qui permettent à un acheteur de produits agricoles de rouvrir la négociation afin de revoir à la baisse le prix d’achat dès lors qu’un concurrent baisse son prix ou pratique des prix plus bas que les siens.

Un nouvel alinéa a également été ajouté à l’article L. 631-24 du CRPM afin de préciser que les contrats visés par cet article « ne peuvent pas comporter de clauses ayant pour effet une modification automatique du prix lié à l’environnement concurrentiel ».

Article 2 – sur l’aval (13 amendements adoptés)

L’article 2 a également été largement remanié, sans toutefois que le dispositif envisagé par le texte initial de la proposition de loi ne disparaisse.

  • S’agissant tout d’abord des conditions générales de vente (nouvel article L. 441-1-1 du Code de commerce) :

Il est désormais prévu que les fournisseurs devront indiquer pour chaque matière première agricole « et pour chaque produit transformé composé de plus de 50 % de matières premières agricoles », sapart dans la composition du produit alimentaire, sous la forme d’un pourcentage du volume et d’un pourcentage du tarif du fournisseur.

Cette dernière phrase pose question mais le rapporteur Besson-Moreau a indiqué lors de la Commission qu’il allait la retravailler pour la séance publique.

Cela étant précisé, cette obligation s’applique uniquement aux matières premières agricoles et aux produits transformés qui entrent dans la composition du produit alimentaire pour une part en volume supérieure à 10% ; seuil qu’a souhaité inscrire dans la loi le rapporteur Besson-Moreau plutôt que de prévoir un seuil fixé par décret.

Il est toutefois prévu qu’il est possible de déroger à cette obligation :

Soit en présentant uniquement la part agrégée des matières premières agricoles et produits transformés sous la forme d’un pourcentage du volume et d’un pourcentage du tarif du fournisseur.

Soit en prévoyant l’intervention d’un tiers indépendant chargé d’attester que la négociation commerciale n’a pas porté sur la part, dans le tarif du fournisseur, du prix d’achat des matières premières agricoles et des produits transformés.

Trois options sont donc offertes aux fournisseurs de produits alimentaires dans leurs CGV :

  • Première option : indiquer la part de chaque matière première agricole et de chaque produit transformé entrant dans la composition du produit (en pourcentage du volume et pourcentage du tarif) ;
  • Deuxième option : indiquer uniquement la part agrégée de chaque matière première agricole et de chaque produit transformé entrant dans la composition du produit (en pourcentage du volume et pourcentage du tarif) ;
  • Troisième option : prévoir l’intervention d’un tiers indépendant qui viendra attester que la négociation commerciale n’a pas porté sur la part, dans le tarif du fournisseur, du prix d’achat des matières premières agricoles et des produits transformés.

Autre nouveauté : les conditions générales de vente devront indiquer si un contrat de vente (art L. 631-24 CRPM) a déjà été conclu à l’amont pour la durée de la convention.

Et enfin, une sanction administrative est désormais prévue en cas de manquement aux dispositions de ce nouvel article L. 441-1-1 du Code de commerce relatives aux conditions générales de vente pour les produits alimentaires.

  • S’agissant ensuite de la convention alimentaire (nouvel article L. 443-5 du Code de commerce) :

L’article créé par la proposition de loi et relatif aux conventions alimentaires est renuméroté (article L. 443-5 du code de commerce et non plus L. 441-7-1).

Il est en outre prévu le maintien du dispositif existant en ce qui concerne les relations industrie‑commerce pour les produits de grande consommation (dont font partie les produits alimentaires), qui vient se cumuler avec le nouveau dispositif envisagé par la proposition de loi, puisque le texte adopté par la Commission des affaires économiques prévoit que, lorsque la convention alimentaire est conclue entre un fournisseur et un distributeur, les dispositions de l’actuel article L. 441-4 du Code de commerce, non contraires au nouveau texte, s’appliquent de façon complémentaire.

Ensuite, selon l’option choisie par le fournisseur dans ses CGV, le dispositif prévu en ce qui concerne la convention alimentaire sera différent :

  • Si le fournisseur a choisi la première option (indication de la part de chaque matière première agricole et de chaque produit transformé) : la convention devra mentionner la part du prix des matières premières agricoles et des produits transformés, tels qu’ils figurent dans les CGV et devra également préciser les modalités de prise en compte de ce prix d’achat dans l’élaboration du prix du convenu.
  • Si le fournisseur a choisi la deuxième option (indication de la part agrégée) : il devra mandater un tiers indépendant chargé de réceptionner les informations transmises par le fournisseur et les pièces justificatives et d’attester l’exactitude des informations transmises puis de transmettre cette attestation à l’acheteur.
  • Si le fournisseur a choisi la troisième option (intervention d’un tiers de confiance) : il devra accompagner sa transmission des pièces qui justifient l’exactitude des informations transmises.

S’agissant de la date de conclusion de la convention, la Commission des affaires économiques est venue amender le texte initial de la proposition de loi en prévoyant que la convention devra être signée au plus tard le 1er mars et que le fournisseur devra communiquer ses CGV au plus tard le 1er janvier ou deux mois avant le point de départ de la période de commercialisation pour les produits soumis à un cycle de commercialisation particulier.

Il est en outre désormais précisé que le distributeur (l’amendement adopté vise donc uniquement le distributeur et non pas tous les acheteurs alors que l’obligation de conclure une convention alimentaire porte sur tous les acheteurs) dispose d’un délai raisonnable à compter de la réception des CGV pour « motiver explicitement et de manière détaillée par écrit » le refus des CGV. Un courrier type ne sera donc plus suffisant ! La même modification est apportée à la rédaction de l’actuel article L. 441-4 du Code de commerce pour tous les produits de grande consommation.

Les grossistes sont désormais exclus du champ d’application du nouvel article L. 443-5 du Code de commerce et n’auront donc pas l’obligation de conclure une convention.

Et il est enfin prévu qu’un décret viendra lister les produits et catégories de produits pour lesquels le dispositif ne sera pas applicable « en raison des spécificités de leurs filières de production ».

Après l’article 2 – création d’un « rémunéra-score » (2 amendements adoptés)

Ce nouvel article, ajouté à la proposition de loi par la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, prévoit l’expérimentation pendant cinq ans d’un nouveau dispositif déjà surnommé « rémunéra-score ».  Il s’agit de prévoir un affichage (par voie de marquage, d’étiquetage ou par tout autre procédé approprié, y compris par voie électronique), destiné à apporter au consommateur une information relative aux conditions de rémunération des producteurs de produits agricoles.

Article 3 – sur le Comité de règlement des différends – CRDCA (12 amendements adoptés)

Plusieurs modifications relativement importantes ont été apportées au texte initial par la Commission :

  • Il est désormais prévu que, pour certaines filières qui seront définies par décret et pour lesquelles des modes alternatifs de règlement des différends ont été mis en place, le recours au médiateur des relations commerciales agricoles et au comité de règlement des différends commerciaux agricoles ne sera pas obligatoire ;
  • Les litiges relatifs à la clause de renégociation prévue à l’article L. 441-8 du Code de commerce sont désormais exclus de la compétence du CRDCA qui sera donc compétent uniquement pour les litiges portant sur le premier contrat de vente de produits agricoles ;
  • Le nombre de membres du CRDCA passe de trois à cinq – seront donc représentés les différents maillons de la chaîne agro-alimentaire puisqu’il est prévu la présence de trois personnalités ayant exercé leur activité dans les secteurs (i) de la production des produits agricoles, (ii) de la transformation, notamment de produits agricoles et (iii) de la distribution, notamment de produits agricoles ;
  • La limite d’âge fixée à 70 ans pour les membres du comité est supprimée.

Après l’article 3 – sur les pratiques commerciales trompeuses (1 amendement adopté)

La Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale a en outre adopté un amendement visant à ajouter une nouvelle pratique commerciale réputée trompeuse à la liste de l’article L. 121-4 du Code de la consommation : le fait de faire figurer un drapeau français, une carte de France ou tout symbole représentatif de la France sur les emballages alimentaires lorsque les ingrédients primaires tels que définis par le Règlement (UE) n° 1169/2011 du 25 octobre 2011 concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires (dit « Règlement INCO ») ne sont pas d’origine France.

Article 4 – sur l’origine des produits alimentaires (15 amendements adoptés)

La modification principale apportée au texte initial de l’article 4 de la proposition de loi vise à préciser ce qu’il convient d’entendre par « lien avéré entre certaines de[s] propriétés » d’une denrée alimentaire et son origine.

L’article 4 prévoit ainsi désormais que « Sans préjudice des dispositions spécifiques relatives au mode d’indication de l’origine des denrées alimentaires, l’indication du pays d’origine est obligatoire pour les produits agricoles et alimentaires et les produits de la mer, à l’état brut ou transformé pour lesquels il existe un lien avéré entre certaines de leurs propriétés, notamment en termes de protection de la santé publique et de protection des consommateurs et leur origine. […] ».

Dans un premier temps, la mention envisagée par la majorité des amendements adoptés était la suivante : « notamment en termes de sécurité sanitaire et de traçabilité ». Les exposés sommaires de plusieurs de ces amendements précisaient qu’« un lien entre qualité nutritionnelle/organoleptique et origine est difficile à prouver sur le plan scientifique […] En revanche, ce lien entre qualité et origine peut être prouvé pour certains produits, au regard des enjeux sanitaires : traçabilité, normes nationales et européennes très strictes (utilisation des antibiotiques par exemple), et sécurité sanitaire (exemple : lasagnes de cheval) » de sorte que ces amendements visaient à spécifier les propriétés dont il est question pour « ne pas pénaliser une grande partie des productions françaises pour lesquelles le lien dont il était initialement question, ne peut être prouvé sur le plan scientifique, mais uniquement qualitatif ».

Finalement, le sous-amendement n° CE514 présenté par le député Grégory Besson-Moreau qui a été adopté est venu remplacer cette mention par la mention suivante : « notamment en termes de protection de la santé publique et de protection des consommateurs ». Ce sont ainsi les termes de l’article 39 du règlement INCO de 2011 qui ont été repris.

Après l’article 4 – sur l’origine de la viande (1 amendement adopté)

L’amendement adopté vient compléter l’article L. 412-9 du Code de la consommation afin de prévoir que les établissements sans salle de consommation sur place et proposant seulement des repas à emporter ou à livrer (« dark kitchen ») devront désormais, comme cela est déjà le cas pour les restaurants proposant des repas à consommer sur place, afficher clairement l’origine des viandes qu’ils utilisent.

Article 5 – sur les opérations de dégagement (2 amendements adoptés)

Cet article de la proposition de loi vise à encadrer la publicité pratiquée en dehors des magasins relative à une opération de dégagement de produits alimentaires ou catégories de produits alimentaires définis par décret (opération promotionnelle visant à écouler une surproduction de produits alimentaires) associant plusieurs magasins, en les conditionnant à l’obtention d’une autorisation rendue par l’autorité administrative compétente après avis de l’organisation interprofessionnelle concernée.

Les deux amendements adoptés viennent préciser que l’avis de l’organisation interprofessionnelle sera réputé favorable en l’absence de réponse dans un délai prévu par le décret mentionné ci‑dessus et que la publicité sera réputée autorisée en l’absence de réponse de l’administration dans un délai prévu par ce même décret.

Selon ce qui était indiqué dans les exposés sommaires de ces deux amendements, ce mécanisme d’autorisation tacite permettra ainsi de conserver une réactivité indispensable à la mise en place de telles opérations.

Article 6 – dates d’entrée en vigueur de ce texte (3 amendements adoptés)

Les amendements adoptés par la Commission viennent modifier les dates d’entrée en vigueur de ce texte.

Le texte initial prévoyait en effet une seule date d’entrée en vigueur pour toutes les dispositions, le 1er janvier 2022, à l’exception des dispositions de l’article 3 relatif au CRDCA qui avaient vocation à s’appliquer dès le lendemain de la publication de la loi sauf pour les médiations en cours, il est désormais prévu des dates différentes selon les dispositions :

  • L’article 1er (amont agricole) et le 3° de l’article 2 seront applicables aux accords-cadres et contrats conclus à compter d’une date fixée pour chaque filière, par décret et au plus tard le 1er janvier 2023. Pour les accords-cadres et contrats en cours à cette date, ils devront être mis en conformité avec l’article L. 631-24 du CRPM dans sa rédaction résultant de la loi lors de leur prochain renouvellement et au plus tard dans un délai d’un an à compter de l’entrée en vigueur des dispositions de l’article 1er.
  • La date d’entrée en vigueur des dispositions de l’article 2 (autres que celles du 3°) reste inchangée : 1er janvier 2022.
  • La date d’entrée en vigueur des dispositions de l’article 3 (CRDCA) reste également inchangée (lendemain de la publication de la loi) et il est toujours prévu que ces dispositions ne seront pas applicables aux médiations en cours.
  • L’article 4 (origine) sera applicable à compter du 1er juillet 2022 et l’article 5 (opérations de dégagement) sera applicable à compter du 1er janvier 2022.

Nous attendons donc désormais les discussions qui se tiendront cette semaine en séance publique et qui devraient être particulièrement riches.

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