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Publication du rapport annuel 2021 de l’Autorité de la concurrence

L’Autorité de la concurrence a publié le 6 juillet 2022 son rapport annuel 2021[1] ainsi que sa feuille de route pour l’année à venir. L’occasion de mettre en avant l’ancrage de son action dans la vie publique, au travers de priorités orientées vers les grands défis du XXIe siècle. L’occasion également de mettre en lumière les temps forts de l’année 2021, pour une institution qui acquiert progressivement les moyens de ses ambitions.

  1. De nouvelles compétences pour une efficacité (encore) renforcée

L’année 2021 s’est avérée particulièrement prolifique pour l’Autorité de la concurrence, avec un niveau d’activité important. Si le montant des amendes infligées est bien en-deçà des sommets atteints en 2020 – 873 millions d’euros contre 1,785 milliard l’année passée[2] – le nombre d’affaires traitées est en hausse. Ont été rendues cette année pas moins de 272 décisions de contrôle des concentrations, un chiffre qui n’avait plus été atteint depuis 2009, accompagnées de 52 décisions contentieuses, un record sur les 5 dernières années et une hausse de près de 25% par rapport à l’année dernière. Conséquence de cette efficacité, le stock des affaires en cours a atteint son plus bas historique avec 122 dossiers.

Au-delà des chiffres, l’année 2021 a été marquée par l’attribution à l’Autorité de nouvelles compétences notamment avec l’ordonnance n° 2021-649 du 26 mai 2021, prise sur le fondement de la loi DDADUE[3] et transposant en droit interne la directive ECN+[4]. Une nouvelle étape vers un contrôle renforcé des violations du droit de la concurrence au niveau français comme européen.

La première nouveauté mise en lumière dans le rapport est l’opportunité des poursuites[5], qui permet désormais à l’Autorité, lorsqu’elle est saisie – par exemple par une entreprise – mais qu’elle ne considère pas les pratiques alléguées comme une priorité, de rejeter la saisine par décision motivée. Un instrument utile pour préserver ses ressources humaines et financières et les concentrer sur des enjeux ciblés. Une innovation qui n’est pas isolée : comme le rappelle l’Autorité, ses pouvoirs en matière d’opérations de visite et saisie (OVS) ont également été renforcés, la procédure de clémence a été harmonisée, et la possibilité lui a été ouverte de prononcer des injonctions structurelles et de se saisir d’office en vue de la prise de mesures conservatoires. Les sanctions qui peuvent être prononcées ainsi que les modalités selon lesquelles elles peuvent l’être connaissent également une évolution significative, sous l’influence de la directive et du nouveau communiqué de procédure sur les sanctions de l’Autorité, en date du 30 juillet 2021.

2021 marque également une nouvelle étape pour la coopération internationale en matière de concurrence. En effet, la coopération entre l’Autorité de la concurrence et ses homologues européens sera nécessairement accrue conséquemment aux évolutions instillées par la directive ECN+, dans la mesure où celle-ci introduit de nouvelles obligations en matière d’information et d’assistance entre les autorités nationales de concurrence des États-membres de l’Union. Au-delà de ce cadre juridique approfondi, la coopération entre autorités se développe aussi plus naturellement afin de partager les expériences et les innovations développées nationalement en vue de répondre à de nouveaux enjeux. C’est le cas par exemple en matière de marchés numériques, comme le montre le travail réalisé dans le cadre du G7 des autorités de concurrence, mais c’est également et surtout le cas au sein du Réseau européen de concurrence (REC).

  1. Une volonté d’ancrer l’action de l’Autorité au cœur des problématiques contemporaines

Le rapport annuel présenté par l’Autorité est marqué par une volonté affichée d’inscrire son action dans le prolongement des politiques publiques traditionnelles, afin de répondre au mieux aux enjeux actuels et de faire connaître la régulation de la concurrence auprès du grand public.

La volonté d’articulation avec les autres politiques publiques transparaît explicitement dans la feuille de route de l’Autorité pour 2022-2023 ainsi que dans le rapport, dont une section est dédiée à cette approche appliquée aux enjeux numériques. Son Président, M. Benoît Cœuré s’en fait d’ailleurs le porte-voix dans l’interview qui ouvre le rapport. Cette prise en compte des enjeux extra-concurrentiels est nécessaire selon l’Autorité, certaines pratiques examinées pouvant également contrevenir à d’autres corps de règles, ou au contraire s’appuyer sur des objectifs légitimes au regard d’autres problématiques pour justifier des comportements contraires au droit de la concurrence. La prise en compte de ces enjeux multiples est soulignée par la collaboration entre l’Autorité et d’autres institutions et régulateurs : est par exemple mise en avant la convention signée avec le Pôle d’Expertise de la Régulation Numérique (PEReN) rattaché à la Direction Générale des Entreprises, mais également l’apport de la CNIL dans le cadre d’une affaire Apple portant sur des problématiques de blocage de la collecte de données personnelles[6]. Il convient par ailleurs de rappeler que la collaboration avec les régulateurs sectoriels passe également par les saisines pour avis dont l’Autorité peut faire l’objet de leur part. En 2021, elle a ainsi été saisie à 3 reprises par l’ARCEP, l’ART et le Médiateur du cinéma[7].

La prise en compte d’enjeux qui dépassent le droit de la concurrence se traduit dans le rapport par la mise en avant de l’interconnexion de l’action de l’Autorité avec des problématiques aussi centrales que le pouvoir d’achat, l’innovation ou le développement durable. Est par exemple rappelée l’introduction d’une mention expresse au sein du nouveau communiqué « sanctions » de la prise en compte de l’impact environnemental d’une pratique dans le cadre de l’appréciation de sa gravité. L’action de l’Autorité en matière de problématiques émergentes passe également par les enquêtes sectorielles qu’elle mène, qui permettent d’identifier les principaux enjeux concurrentiels relatifs à des marchés qui se développent ou se transforment. A ainsi été publié en avril 2021 un avis qui fait suite à l’enquête menée par l’Autorité sur les fintechs[8], alors qu’a également été lancée en janvier 2022 une enquête portant sur le secteur du cloud[9]. Enfin, en réponse à ces nouvelles problématiques, sont mis en place de nouveaux instruments comme le Digital Markets Act (DMA), projet de règlement sur lequel un accord politique a été trouvé au printemps, dont l’application sera cependant à titre principal la responsabilité de la Commission Européenne, cantonnant les autorités nationales de concurrence à un rôle secondaire.

Les décisions rendues par l’Autorité en 2021, et qu’elle a fait le choix de mettre en avant dans ce rapport, reflètent également le rôle qu’elle peut jouer dans la réponse à apporter aux grands enjeux de la décennie. Ainsi, sont présentées les décisions rendues concernant les pratiques mises en œuvre par Google, touchant notamment à la problématique des droits voisins[10]. En matière d’énergie, thème d’actualité s’il en est, l’année 2021 a notamment été marquée par l’interdiction d’une opération de concentration sur le marché du transport d’hydrocarbures par oléoducs[11], alors que le début d’année 2022 l’a été par la décision rendue à l’encontre d’EDF pour abus de position dominante[12]. Sont enfin mises en exergue les nombreuses décisions rendues en matière de distribution et de grande consommation, dont une des plus notables concerne le cartel des sandwichs sous marque de distributeurs qui a donné lieu à des sanctions cumulées de 24,5 millions d’euros[13].

Les choix faits par l’Autorité quant à la structure et au contenu de son rapport démontrent une volonté de faire connaître son activité au plus grand nombre en mettant en avant l’impact concret qu’elle peut avoir sur le quotidien des Français. En témoigne l’accent mis à plusieurs reprises sur les bénéfices de la concurrence pour le pouvoir d’achat des consommateurs, tant dans le rapport annuel que dans la feuille de route pour 2022-2023[14]. Promouvoir la culture de la concurrence, notamment auprès des consommateurs, est d’ailleurs l’un des 7 objectifs identifiés par l’Autorité pour l’année à venir. Déjà en 2021, avaient été mises en œuvre des actions en ce sens, le rapport soulignant l’œuvre pédagogique de l’Autorité, par exemple à destination des entreprises, des étudiants et des jeunes.

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S’appuyant sur une activité en croissance en 2021, le rapport et la feuille de route publiés le 6 juillet soulignent donc les nouveaux instruments dont dispose désormais l’Autorité en vue de répondre à des enjeux qui transcendent la simple régulation concurrentielle. Un bon moyen de poursuivre l’objectif assumé de faire connaître des missions parfois obscures pour le grand public, en inscrivant la régulation de la concurrence comme une politique économique à part entière.


[1] Pour des données plus complètes, il est possible de consulter l’annexe du rapport.

[2] L’année 2020 avait été marquée par des amendes conséquentes, dont une de 1,2 milliard d’euros prononcée à l’encontre d’Apple.

[3] Loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière.

[4] Directive (UE) 2019/1 du Parlement Européen et du Conseil du 11 décembre 2018 visant à doter les autorités de concurrence des États membres des moyens de mettre en œuvre plus efficacement les règles de concurrence et à garantir le bon fonctionnement du marché intérieur.

[5] Article L. 462-8 alinéa 2 du code de commerce.

[6] Affaire ayant donné lieu à une Décision 21-D-07 de l’Autorité de la concurrence, du 17 mars 2021, relative à une demande de mesures conservatoires présentée par les associations Interactive Advertising Bureau France, Mobile

Marketing Association France, Union Des Entreprises de Conseil et Achat Media, et Syndicat des Régies Internet dans le secteur de la publicité sur applications mobiles sur iOS.

[7] Par exemple, l’Autorité a ainsi rendu un Avis 21-A-03 du 16 avril 2021 relatif à une demande d’avis du Médiateur du cinéma sur les modalités de sortie des films en salle.

[8] Avis n° 21-A-05 du 29 avril 2021 portant sur le secteur des nouvelles technologies appliquées aux activités de paiement.

[9] Autorité de la concurrence, Communiqué de presse du 27 janvier 2022.

[10] Décision n° 21-D-11 du 7 juin 2021 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la publicité sur Internet ; Décision n° 21-D-17 du 12 juillet 2021 relative au respect des injonctions prononcées à l’encontre de Google dans la décision n° 20-MC-01 du 9 avril 2020 ; Décision n° 22-D-13 du 21 juin 2022 relative à des pratiques mises en œuvre par Google dans le secteur de la presse.

[11] Décision n° 21-DCC-79 du 12 mai 2021 relative à la prise de contrôle exclusif de la Société du Pipeline Méditerranée-Rhône par la société Transport Stockage Énergies.

[12] Décision 22-D-06 du 22 février 2022 relative à des pratiques mises en œuvre par la société EDF dans le secteur de l’électricité.

[13] Décision n° 21-D-09 du 24 mars 2021 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la fabrication et de la commercialisation de sandwichs sous marque de distributeur.

[14] La feuille de route 2022-2023 publiée conjointement au rapport d’activité établit 7 objectifs thématiques autour desquels se déploiera l’action de l’Autorité : Agir pour le bon fonctionnement concurrentiel des marchés numériques ; Participer aux efforts en matière de lutte contre le changement climatique ; Préserver le pouvoir d’achat des consommateurs en période de crise ; Lutter contre les pratiques anticoncurrentielles affectant les ressources publiques ; Promouvoir la culture de la concurrence ; Garantir l’efficacité et la réactivité de l’Autorité dans un environnement dynamique ; Assurer l’articulation de l’action de l’Autorité avec les autres objectifs de politique publique.

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