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Le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière est désormais devant l’Assemblée nationale

Le 12 février 2020, le Gouvernement a déposé devant le Sénat un projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière (DDADUE).

Après le dépôt de deux lettres rectificatives, le texte n°314 rectifié bis déposé au Sénat le 17 juin 2020 a finalement été adopté, en première lecture, par le Sénat le 8 juillet 2020, après engagement de la procédure accélérée et renvoyé à la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale.

Le projet de loi qui comporte désormais 28 articles, vise à transposer plusieurs directives et à mettre en conformité le droit national avec divers règlements européens récemment adoptés en matière notamment de protection des consommateurs, de relations interentreprises, de règlementation financière, douanière, de concurrence ou encore de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

Ce projet de loi nous intéresse tout particulièrement dans la mesure où il prévoit de renforcer la protection des consommateurs en habilitant notamment le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures législatives permettant la transposition en droit interne de la directive dite « Omnibus » (I.), de transposer en droit interne la directive (UE) 2019/633 du 17 avril 2019 sur les pratiques commerciales déloyales dans les relations interentreprises au sein de la chaîne d’approvisionnement agricole et alimentaire et de mettre en conformité le droit national avec le règlement (UE) 2019/1150 dit « PtoB » dans le but de garantir des relations interentreprises équilibrées et loyales (II.) et d’habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance diverses mesures destinées à mettre le droit français en conformité avec la directive ECN+ (III.).

1. Un renforcement de la protection des consommateurs

L’article 1er du projet de loi habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures nécessaires à la transposition en droit interne de :

  • La directive (UE) 2019/770 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2019 relative à certains aspects concernant les contrats de fourniture de contenus numériques et de services numériques. Cette première directive concerne les données produites et fournies sous forme numérique (musique, vidéos en ligne…), les services permettant de créer, traiter ou stocker des données sous forme numérique (par exemple le stockage dans le cloud), les services de partage de données, ainsi que tout support durable utilisé exclusivement pour transporter un contenu numérique (DVD par exemple). Elle instaure notamment un régime analogue à la garantie de conformité des biens physiques pour ces contenus et services numériques, ne relevant pas du contrat de vente d’un bien, avec un délai de garantie minimal fixé à deux ans à compter du moment de la fourniture. Le délai de présomption d’antériorité du défaut pendant lequel la charge de la preuve incombe au professionnel est en revanche fixé à un an, sans possibilité pour les États membres de l’étendre.

L’article 2 du projet de loi habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures législatives permettant la transposition en droit interne de la directive (UE) 2019/2161 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2019 modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et les directives 98/6/CE, 2005/29/CE et 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne une meilleure application et une modernisation des règles de l’Union en matière de protection des consommateurs, dite « directive Omnibus ».

Ainsi que le précise l’exposé des motifs du projet de loi, cette transposition aura en particulier pour effet d’introduire plusieurs dispositions dans le Code de la consommation afin de :

  • lutter plus efficacement contre la différence de qualité des produits de consommation au sein de l’Union européenne, vendus sous une même marque, par un aménagement sur ce point des règles interdisant les pratiques commerciales trompeuses ;
  • homogénéiser et renforcer les sanctions pour des infractions affectant plusieurs États membres et de nombreux consommateurs ;
  • permettre aux États membres de porter à trente jours le délai de rétractation pour certains contrats conclus hors établissements ;
  • imposer aux places de marché des obligations d’information à l’égard des consommateurs ;
  • étendre les règles d’information et de protection des consommateurs aux services numériques gratuits (réseaux sociaux) ;
  • renforcer la lutte contre les « faux avis » de consommateurs sur les plateformes ;
  • encadrer les annonces de réduction de prix par la nécessité pour le professionnel de justifier d’un prix de référence (voir notre note d’actualité du mois de janvier 2020) ;
  • informer le consommateur sur l’application d’un prix personnalisé à partir d’un algorithme.

L’article 3 du projet de loi apporte quant à lui des modifications au Code de la consommation dans la perspective de mettre en conformité le droit national avec le règlement (UE) 2018/302 du Parlement européen et du Conseil du 28 février 2018 visant à contrer le blocage géographique injustifié et d’autres formes de discrimination fondée sur la nationalité, le lieu de résidence ou le lieu d’établissement des clients dans le marché intérieur en créant un régime de sanctions administratives ainsi que des habilitations pour les agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes afin d’en contrôler l’application.

L’article 4 vise, dans la même logique, à introduire dans le même code des dispositions visant à lutter au niveau national contre des pratiques de blocage géographique injustifié dont sont victimes des consommateurs eu égard à leur lieu de résidence, s’agissant en particulier des blocages dont pourraient être victimes les consommateurs résidant dans les outre-mer de la part de professionnels installés en métropole.

Enfin, l’article 5 du projet de loi vise à accorder des pouvoirs spéciaux à l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation, en cas d’infraction ou de manquement aux règles de protection des consommateurs et quand l’auteur de cette pratique ne peut être identifié ou qu’il n’a pas déféré à une injonction (mesures de blocage, message d’avertissement…).

2. Une adaptation des règles applicables en matière de pratiques commerciales déloyales

L’article 7 du projet de loi habilite le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance les mesures législatives permettant de transposer la directive (UE) 2019/633 du 17 avril 2019 sur les pratiques commerciales déloyales dans les relations interentreprises au sein de la chaîne d’approvisionnement agricole et alimentaire.

Cette transposition devrait conduire à modifier principalement le titre IV du livre IV du Code de commerce afin de lutter contre les pratiques commerciales déloyales entre acheteurs et fournisseurs de produits alimentaires ou agricoles.

Pour l’essentiel, les dispositions à venir concerneront :

  • l’équilibre des relations contractuelles entre les fournisseurs de petite taille (PME) et les acheteurs de plus grande taille ; et
  • le renforcement de la coopération entre les autorités des États membres et notamment la désignation d’une autorité publique de contrôle chargée de faire recueillir les plaintes des fournisseurs, le cas échéant de manière anonyme, et de faire appliquer les principes de la directive en disposant notamment d’un pouvoir d’injonction et de sanction dissuasive.

Le projet de loi envisage également d’intégrer dans le Code de commerce, l’obligation de respecter les dispositions du règlement (UE) 2019/1150 promouvant l’équité et la transparence pour les entreprises utilisatrices de services d’intermédiation en ligne dit « PtoB », qui contient, pour sa part, différentes obligations mises à la charge des plateformes en matière de transparence (contenu des conditions générales des plateformes, critères de classement, accès aux données, etc.) et de loyauté (modalités de changement des conditions générales, modalités de résiliation ou de suspension du service, interdiction des changements rétroactifs des conditions générales) ainsi que des dispositions relatives au traitement des plaintes des utilisateurs de la plateforme et au recours à la médiation.

Il est enfin prévu d’ajouter, au sein de l’article L. 470-1 du Code de commerce, des dispositions dotant l’autorité compétente des moyens juridiques permettant de faire respecter ces règles supranationales (injonctions, astreintes…).

Si le droit français est d’ores et déjà conforme aux standards européens de ces deux textes, l’exposé des motifs du projet de loi précise néanmoins que « leur transposition et mise en application respective nécessite de modifier les textes pour assurer une articulation technique conforme au droit de l’Union européenne sans affaiblir l’efficacité du dispositif national ».

3. Un élargissement des moyens mis à la disposition de l’Autorité de la Concurrence

L’article 25 du projet de loi habilite quant à lui le Gouvernement à prendre par ordonnance toute mesure destinée à rendre les dispositions du livre IV du code de Commerce conformes avec la directive (UE) 2019/1 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 visant à doter les autorités de concurrence des États membres des moyens de mettre en œuvre plus efficacement les règles de concurrence et à garantir le bon fonctionnement du marché intérieur, dite « directive ECN+ ».

L’exposé des motifs rappelle que, parmi ces mesures, figurent notamment la possibilité pour l’Autorité de la concurrence de (i) rejeter les saisines ne correspondant pas à ses priorités, (ii) prononcer des injonctions structurelles dans le cadre de procédures contentieuses concernant des pratiques anticoncurrentielles et (iii) se saisir d’office afin d’imposer des mesures conservatoires, ainsi que la suppression de la notion d’« importance du dommage à l’économie », afin de lever toute ambigüité entre ce facteur de détermination des sanctions pécuniaires prononcées par l’Autorité de la concurrence et la notion de réparation d’un dommage subi par une victime d’une pratique anticoncurrentielle.

Il convient également de rappeler que la Directive ECN+ revoit à la hausse le montant maximal des amendes pouvant être imposées à chaque entreprise ou association d’entreprises (et donc aux organisations professionnelles) coupables de pratiques anticoncurrentielles (jusqu’à présent limité à 3 millions d’euros, le montant maximum de l’amende passera à 10% du chiffre d’affaires mondial total de l’entreprise ou de l’association d’entreprises réalisé au cours de l’exercice social précédent la décision de sanction) et prévoit que le montant des amendes infligées à une association d’entreprises pourrait désormais tenir compte du chiffre d’affaires de ses membres, à charge pour l’association d’entreprises de lancer à ses membres un appel à contribution pour couvrir le montant de l’amende (voir notre lettre d’actualité de juillet 2019).

L’article 25 du projet de loi vise également à renforcer l’efficacité de l’action de l’Autorité de la concurrence et des agents de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), par des mesures complémentaires, en lien avec la transposition de la directive ECN+.

L’objectif de ces mesures est notamment (i) d’améliorer les procédures d’investigation en matière de détection des pratiques anticoncurrentielles, (ii) de réduire sensiblement les délais de traitement par l’Autorité de la concurrence des affaires contentieuses, dans le respect du principe du contradictoire, mais aussi clarifier le cadre juridique dans lequel opère l’Autorité de la concurrence et (iii) de faciliter le recours par la DGCCRF à des procédures d’injonction et de transaction pour le traitement des pratiques anticoncurrentielles commises par des PME au moyen de la suppression du critère relatif au caractère local des pratiques.

Enfin, cet article comporte des mesures spécifiques à l’outre-mer destinées à assouplir l’exercice par l’Autorité de la concurrence des pouvoirs lui permettant d’agir sur la structure du marché (par des injonctions structurelles) et à stimuler la concurrence dans la distribution des produits dès lors qu’il existe une situation d’exclusivité d’importation.

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