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L’impact de la loi ASAP sur les futures relations entre fournisseurs et distributeurs

Le projet de loi d’Accélération et de Simplification de l’Action Publique (projet de loi « ASAP ») vient d’être définitivement adopté par le Parlement et sera promulgué dans les prochains jours s’il ne fait pas l’objet entre temps d’une saisine du Conseil constitutionnel[1].

Ce projet de loi prévoit des mesures phares pour les relations fournisseurs/distributeurs :

La prolongation du dispositif relatif au relèvement du seuil de revente à perte et à l’encadrement des promotions jusqu’au 15 avril 2023

Le texte prévoit d’inscrire dans la loi les dispositions de l’ordonnance n° 2018-1128 du 12 décembre 2018 relative au relèvement du seuil de revente à perte et à l’encadrement des promotions pour les denrées et certains produits alimentaires et de les pérenniser jusqu’au 15 avril 2023.

Une nouveauté est toutefois prévue : un arrêté du ministre chargé de l’économie doit venir fixer une liste de produits saisonniers pour lesquels il pourra être dérogé à l’encadrement des promotions en volume (25%).

Le texte précise qu’il s’agira de denrées ou catégories de denrées alimentaires dont plus de 50% des ventes annuelles aux consommateurs est concentrée, de façon habituelle, sur une durée n’excédant pas douze semaines au total.

L’interprofession qui représente ces denrées ou catégories de denrées alimentaires ou, lorsqu’il n’existe pas d’interprofession pour ce type de denrées ou catégories de denrées, l’organisation professionnelle représentant des producteurs ou fournisseurs de ces denrées ou catégories de denrées, devra déposer une demande, motivée et accompagnée de toutes données utiles pour l’appréciation de la saisonnalité des ventes au regard du critère quantitatif précisé ci-dessus.

À l’instar de ce qui était déjà prévu par l’ordonnance n° 2018-1128 du 12 décembre 2018[2], le Gouvernement devra remettre au Parlement deux nouveaux rapports d’évaluation : le premier, avant le 1er octobre 2021 et le second, avant le 1er octobre 2022.

La loi ASAP prendra ainsi le relai de l’ordonnance n° 2018-1128 du 12 décembre 2018 qui sera abrogée[3].

L’encadrement des pénalités logistiques

Dans le cadre des débats devant l’Assemblée nationale en première lecture, plusieurs amendements avaient été présentés par le député M. Grégory Besson-Moreau, afin d’ajouter dans le projet de loi ASAP des dispositions intéressants les négociations commerciales entre fournisseurs et distributeurs[4].

Parmi ces amendements, figurait notamment l’amendement n° 127, adopté le vendredi 2 octobre 2020 par l’Assemblée nationale, qui prévoyait ainsi d’ajouter à l’article L. 442-1 du Code de commerce relatif aux pratiques restrictives de concurrence une « nouvelle » disposition relative aux pénalités logistiques afin d’interdire à toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services :

« 3° D’imposer des pénalités disproportionnées au regard de l’inexécution d’engagements contractuels ou de procéder au refus ou retour de marchandises ou de déduire d’office du montant de la facture établie par le fournisseur les pénalités ou rabais correspondant au non-respect d’une date de livraison, à la non-conformité des marchandises, lorsque la dette n’est pas certaine, liquide et exigible, sans même que le fournisseur ait été en mesure de contrôler la réalité du grief correspondant. » 

Il n’aura en effet pas échappé au lecteur l’importante similitude de cette disposition avec l’ancien article L. 442‑6, I, 8° du Code de commerce qui encadrait, avant avril 2019, la déduction d’office de pénalités logistiques.

Pour mémoire, l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 portant refonte du titre IV du livre IV du code de commerce relatif à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et aux autres pratiques prohibées était venue recentrer la liste des pratiques restrictives de concurrence prévues à l’ancien article L. 442-6 du Code de commerce autour de trois pratiques générales qui devaient permettre d’englober l’ensemble des pratiques précédemment visées à l’ancien article L. 442-6 : l’obtention d’un avantage sans contrepartie ou disproportionné, le déséquilibre significatif et la rupture brutale de relations commerciales établies.

L’ancien article L. 442-6, I, 8° du Code de commerce qui interdisait « De procéder au refus ou retour de marchandises ou de déduire d’office du montant de la facture établie par le fournisseur les pénalités ou rabais correspondant au non-respect d’une date de livraison ou à la non-conformité des marchandises, lorsque la dette n’est pas certaine, liquide et exigible, sans même que le fournisseur n’ait été en mesure de contrôler la réalité du grief correspondant » avait alors disparu.

Le Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 précisait alors que, si certaines pratiques étaient supprimées, ces comportements illicites pourraient toujours être poursuivis sur le fondement du déséquilibre significatif ou de l’avantage sans contrepartie, dont le champ d’application avait été élargi dans cette optique.

Compte tenu du contexte actuel et de l’accroissement des difficultés rencontrées par les fournisseurs face aux pénalités logistiques, de plus en plus importantes, facturées par les distributeurs, il a été jugé utile de réintroduire dans le Code de commerce l’interdiction de la déduction d’office des pénalités et d’ajouter à cela, l’interdiction d’imposer des pénalités disproportionnées.

Ce texte s’inscrit ainsi dans la droite ligne de ce que préconisait la CEPC dans sa Recommandation n° 19-1 relative à un guide des bonnes pratiques en matière de pénalités logistiques à savoir, un principe de proportionnalité des pénalités et une prohibition des déductions d’office.

L’obligation de prévoir dans la convention écrite les services ou obligations relevant d’un accord conclu avec une centrale internationale

Le III de l’article L. 441-3 du Code de commerce qui prévoit actuellement que la convention écrite conclue entre le fournisseur et le distributeur fixe, aux fins de concourir à la détermination du prix convenu, (1°) les conditions de l’opération de vente, (2°) les services de coopération commerciale et (3°) les autres obligations, sera également bientôt complété par un 4° rédigé dans les termes suivants :

« 4° L’objet, la date, les modalités d’exécution, la rémunération et les produits auxquels il se rapporte de tout service ou obligation relevant d’un accord conclu avec une entité juridique située en dehors du territoire français, avec laquelle le distributeur est directement ou indirectement lié. » 

Cet ajout, issu de l’amendement n° 125 porté également par M. Grégory Besson-Moreau et adopté par l’Assemblée nationale en première lecture le 2 octobre 2020, vise ainsi à indiquer, dans la convention écrite applicable à la négociation commerciale en France, l’ensemble des montants versés à des centrales internationales, liées directement ou indirectement au distributeur concerné, dès lors que ces sommes sont rattachables à des produits mis sur le marché dans une surface de vente du distributeur située en France.

L’exposé sommaire de l’amendement n° 125 précise ainsi que ce nouveau texte a pour objectif de faciliter le contrôle, par l’administration française, des contributions financières versées par les fournisseurs français aux centrales internationales, dont les montants « sont souvent dépourvus de contreparties », et vise ainsi à « faire plus de transparence sur ces pratiques qui visent le plus souvent à contourner la loi française pour imposer des baisses de tarif très importantes à leurs fournisseurs sans contreparties »..

L’intérêt est ainsi que l’administration puisse plus aisément analyser si les accords internationaux conclus sont licites, en particulier au regard des dispositions de l’article L. 442-1 du Code de commerce relatives à l’avantage sans contrepartie ou disproportionné et au déséquilibre significatif.

Il ne fait aucun doute que l’ensemble de ces mesures aura un impact direct sur les relations futures entre fournisseurs et distributeurs !


[1]     Pour mémoire, ce projet de loi a fait l’objet d’une procédure accélérée. Le texte de compromis élaboré par la Commission Mixte Paritaire (CMP) après une seule lecture par chacune des deux chambres du Parlement a finalement été définitivement adopté par le Sénat, le 27 octobre, puis l’Assemblée nationale, le 28 octobre.

[2]      Le Gouvernement a remis au Parlement le 30 septembre 2020 son rapport d’évaluation des mesures expérimentales de relèvement du seuil de revente à perte et d’encadrement des promotions pour les denrées et certains produits alimentaires.

[3]      Le texte prévoit également l’abrogation du 2° du I de l’article 54 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures d’urgence ainsi qu’au retrait du Royaume‑Uni de l’Union européenne, devenu sans objet. Pour mémoire, cet article habilitait le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures visant à (i) prolonger, pour une période ne pouvant excéder 14 mois, l’application des dispositions prévues par l’ordonnance n° 2018-1128 du 12 décembre 2018, (ii) renforcer le contrôle du respect des dispositions de cette ordonnance et (iii) modifier les dispositions relatives à l’encadrement des promotions en volume (25%) pour faciliter la commercialisation de certains produits, notamment pour les denrées alimentaires dont la vente présente un caractère saisonnier marqué.

[4]     Ces différents amendements faisaient directement écho à la proposition de loi visant à rééquilibrer les relations entre la grande distribution et ses fournisseurs dont M. Grégory Besson-Moreau était l’initiateur (cf. notre newsletter de juillet 2020).

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