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Présentation des modifications apportées par les projets de règlement d’exemption et de lignes directrices sur les restrictions verticales publiés le 9 Juillet 2021 au règlement n°330/2010 du 20 Avril 2010 et aux lignes directrices du 19 Mai 2010

La Commission a publié, le 9 Juillet 2021, en vue d’une consultation publique, un projet révisé de règlement d’exemption par catégorie applicable aux accords verticaux (ci-après « projet de Règlement d’exemption ») ainsi qu’un projet de lignes directrices révisées sur les restrictions verticales (ci-après « projet de Lignes Directrices »).

Ces documents ont vocation à se substituer au règlement n°330/2010 du 20 Avril 2010 (ci-après le « Règlement d’exemption actuel ») et aux lignes directrices du 19 Mai 2010 (ci-après les « Lignes Directrices actuelles »).

Les modifications proposées par la Commission s’articulent autour de trois objectifs, à savoir :

  • Réajuster la zone de sécurité mise en place par le règlement, afin d’éliminer les faux positifs (accords verticaux et restrictions verticales qui sont actuellement couverts par la zone de sécurité du règlement d’exemption, mais dont on ne peut pas présumer avec suffisamment de certitude qu’ils remplissent les conditions d’une exemption) et réduire les faux négatifs (accords verticaux et restrictions verticales qui ne sont actuellement pas couverts par la zone de sécurité du règlement d’exemption, mais dont on peut présumer avec suffisamment de certitude qu’ils remplissent, sous certaines conditions, les conditions d’une exemption) ;
  • Fournir des orientations actualisées prenant en compte la croissance du commerce électronique et des plateformes en ligne ; et
  • Simplifier les règles considérées comme trop complexes.

La présente note d’actualité a pour objectif de présenter de manière synthétique certaines des modifications induites à ce jour par ces projets, s’agissant des cinq thématiques suivantes :

  • Les prix de revente imposés (1)
  • Les restrictions territoriales et de clientèle (2)
  • Les restrictions relatives à l’utilisation des places de marché en ligne (3)
  • Les contrats d’agence (4)
  • La double distribution (5)
  1. Prix de revente imposés

Si la Commission avait reconnu dans sa première consultation relative au Règlement d’exemption et Lignes Directrices actuels que les conditions pour pouvoir invoquer des efficiences liées aux prix imposés et leur éventuelle exemption individuelle n’étaient pas claires et que les orientations données dans les lignes directrices étaient insuffisantes, les modifications opérées dans le projet de Règlement et de Lignes Directrices s’agissant des prix de vente imposées sont très décevantes.

Si sur la forme, nous pouvons noter un effort de clarté de la Commission qui a regroupé au sein du projet de Lignes Directrices l’ensemble des dispositions relatives aux prix de vente imposés dans une seule et même section 6.1.1 intitulée « Prix de vente imposés », les modifications sur le fond sont inexistantes.

Nous ne pouvons ainsi que regretter l’absence de prise en compte des enseignements de l’analyse économique en la matière aux termes desquels il est admis que dès lors que la concurrence inter-marques est vive, des politiques de prix fixes ou minimaux peuvent présenter d’importants avantages tels que la garantie que les distributeurs assurent un service de pré-vente et de vente aux clients, le lancement de nouveaux produits, la protection de l’image de marque des fournisseurs ou encore l’absence de pratique des prix d’appel (En ce sens : G. Demme, Le droit des restrictions verticales, Paris, Economica, 2010).

  • Les restrictions territoriales et de clientèle

Les restrictions territoriales et de clientèle sont aujourd’hui interdites par principe. Elles sont toutefois autorisées dans certains cas de manière exceptionnelle : les ventes actives peuvent par exemple être interdites dans le cadre d’un réseau de distribution exclusive s’agissant des ventes vers le territoire ou la clientèle qui a été réservé à un autre distributeur. De même, dans le cadre d’un réseau de distribution sélective, les ventes actives et passives à des distributeurs non agréés peuvent être interdites.

La Commission, considérant que les règles relatives aux restrictions territoriales et de clientèle (restrictions des ventes actives ou passives) manquaient de clarté et ne permettaient pas aux fournisseurs de déterminer leur système de distribution selon leurs besoins commerciaux, a souhaité procéder à la modification de ces règles.

Quelles sont les principales modifications ?

  • Le projet de Règlement remanie largement l’article 4, (b) pour créer trois séries de dispositions distinctes qui précisent la portée des restrictions interdites pour chacun des principaux systèmes de distribution à savoir la distribution exclusive (article 4, (b)), la distribution sélective (article 4, (c)) et la distribution libre i.e. hors le cadre de tout réseau (article 4, (d)).

S’agissant de la distribution exclusive, le projet de Règlement introduit la possibilité d’une exclusivité partagée permettant à un fournisseur de réserver un territoire ou une clientèle à plusieurs distributeurs et non plus un seul[1].

Le projet de Règlement prévoit également la possibilité pour un fournisseur d’obliger ses acheteurs à répercuter sur leurs clients les restrictions des ventes actives sur le territoire d’un distributeur exclusif si ces derniers ont conclu un accord de distribution avec le fournisseur ou avec une partie qui a obtenu des droits de distribution du fournisseur.[2]

Enfin et c’est un point important, le projet de Règlement accorde une protection renforcée aux systèmes de distribution sélective en permettant à un fournisseur exploitant plusieurs systèmes de distribution sur différents territoires d’empêcher un acheteur situé sur un territoire non couvert par le réseau de distribution sélective de vendre activement ou passivement à des distributeurs non agréés situés sur un territoire où le fournisseur exploite un système de distribution sélective. La protection s’étend aux ventes actives et passives réalisées par les clients de l’acheteur.

  • Sont intégrés directement au projet de Règlement, une définition des notions de ventes actives, ventes passives et restrictions des ventes actives ou passives. Celles-ci figurent à ce jour dans les Lignes Directrices. Cette intégration au règlement est bienvenue dès lors que les lignes directrices n’ont pas de force contraignante sur le plan juridique.

La définition des ventes actives proposée par la Commission a le mérite de davantage de clarté que celle existante à ce jour notamment en ce qu’elle précise les types de comportements en ligne pouvant constituer des ventes actives :

« toutes les formes de vente autres que les ventes passives, y compris le ciblage actif de clients par des visites, des lettres, des courriers électroniques, des appels ou d’autres moyens de communication directe ou par l’intermédiaire de la publicité et de la promotion ciblées, hors ligne ou en ligne, par exemple au moyen de supports papier ou numériques, y compris les médias en ligne, les outils de comparaison de prix ou la publicité sur les moteurs de recherche ciblant des clients sur des territoires spécifiques ou des groupes de clients; l’offre sur un site web d’options linguistiques différentes de celles couramment utilisées sur le territoire sur lequel le distributeur est établi constitue normalement une vente active; de même, l’offre d’un site web dont le nom de domaine correspond à un territoire autre que celui sur lequel le distributeur est établi constitue une vente active. »[3]

De même, il est apporté des précisions s’agissant des restrictions de ventes passives et actives en ce qui concerne la vente de biens en ligne :

« En ce qui concerne la vente de biens et de services en ligne, une restriction qui, directement ou indirectement, isolément ou cumulée avec d’autres facteurs, a pour objet d’empêcher les acheteurs ou leurs clients d’utiliser de manière effective l’internet pour vendre leurs biens ou services en ligne ou d’utiliser de manière effective un ou plusieurs canaux publicitaires en ligne constitue une restriction des ventes actives ou passives, qui, directement ou indirectement, isolément ou cumulée avec d’autres facteurs sur lesquels l’une ou l’autre des parties peut influer, a pour objet de restreindre le territoire sur lequel, ou le groupe de clients auquel, les acheteurs peuvent vendre les biens ou les services contractuels ou, dans le cas de la distribution sélective, de restreindre les ventes actives ou passives aux utilisateurs finals par les membres du système de distribution sélective qui opèrent en tant que détaillants sur le marché. »[4]

Sans surprise, la condamnation de principe de l’interdiction pure et simple de recourir à la vente en ligne est maintenue.

  • S’agissant spécifiquement des restrictions des ventes actives ou passives en ce qui concerne les ventes en ligne, il convient de souligner qu’un système de double prix, c’est-à-dire le fait pour un même acheteur de payer un prix différent selon que les produits sont vendus en ligne ou hors ligne, n’est plus considéré de facto comme étant une restriction caractérisée de concurrence.

Cela signifie que si les parts de marché des parties à l’accord ne dépassent pas le seuil de 30% prévu à l’article 3 du règlement et que l’accord ne contient pas de restrictions caractérisées de concurrence, un accord prévoyant un système de double prix pourra bénéficier de l’exemption par catégorie.

La Commission considère néanmoins, dans le projet de Lignes Directrices, que la différence de prix doit correspondre à la différence entre les coûts exposés dans chaque canal et qu’elle doit tenir compte « des différents coûts et investissements supportés par un distributeur hybride afin d’inciter ou de récompenser ce dernier pour le niveau d’investissement qu’il a réalisés respectivement en ligne et hors ligne ».[5]

Ainsi, si la différence de prix rendait non rentable ou non viable financièrement l’utilisation effective d’Internet, elle constituerait une restriction caractérisée de concurrence.

  • Les restrictions relatives à l’utilisation des places de marché en ligne

Le projet de Lignes Directrices prévoit des dispositions spécifiques s’agissant des restrictions relatives à l’utilisation des places de marché en ligne qui sont devenues un canal de vente important pour les fournisseurs et détaillants.[6]

Dans la droite ligne de l’arrêt Coty[7], la Commission indique clairement qu’une restriction ou une interdiction des ventes sur les places de marché en ligne ne constitue pas une restriction caractérisée de concurrence dès lors qu’elle ne limite pas les ventes sur un territoire donné ou à une clientèle donnée :

« Une restriction des ventes sur les places de marché en ligne incluse dans un accord vertical est exemptée au titre du règlement d’exemption lorsque les parts de marché du fournisseur et de l’acheteur n’excèdent pas chacune 30 % et que l’accord vertical ne comporte aucune restriction caractérisée au titre du règlement d’exemption et aucune restriction exclue au titre du règlement d’exemption ne pouvant être dissociée du reste de l’accord vertical. Comme indiqué à l’article 1er du règlement d’exemption et à la section 6.1.2 des présentes lignes directrices, une restriction ou une interdiction des ventes sur les places de marché en ligne concerne les modalités des ventes en ligne de l’acheteur et ne limite pas les ventes sur un territoire donné ou à une clientèle donnée. Bien qu’elle limite l’utilisation d’un canal en ligne spécifique, d’autres canaux en ligne restent à la disposition de l’acheteur. Par exemple, malgré une restriction ou une interdiction des ventes sur les places de marché en ligne, l’acheteur peut toujours vendre les biens ou services contractuels par l’intermédiaire de son propre site internet et utiliser les supports publicitaires en ligne pour attirer les clients vers son site internet.

Si toute restriction des ventes en ligne ayant directement ou indirectement pour objet d’empêcher l’acheteur ou ses clients de faire un usage effectif de l’internet pour vendre leurs biens ou services en ligne est une restriction caractérisée au sens de l’article 4, points b) à d), du règlement d’exemption ainsi qu’une restriction par objet au sens de l’article 101, paragraphe 1, une restriction de l’utilisation des places de marché en ligne peut généralement bénéficier de la zone de sécurité prévue par le règlement d’exemption. Comme énoncé au point 194, une restriction de l’utilisation des places de marché en ligne n’affecte généralement pas un groupe d’utilisateurs en ligne pouvant être délimité parmi l’ensemble des acheteurs en ligne et ne limite pas les possibilités pour l’acheteur de vendre les biens ou services contractuels par l’intermédiaire de son propre site internet, de faire de la publicité, dans certaines circonstances, sur l’internet au moyen de plateformes tierces ou d’utiliser des moteurs de recherche en ligne pour attirer des clients vers son site internet; partant, elle ne constitue pas une restriction caractérisée au sens de l’article 4, points b) à d), du règlement d’exemption, dans la mesure où elle n’empêche pas de fait l’utilisation effective de l’internet par les acheteurs ou leurs clients afin de vendre en ligne. »

Si les parts de marché des parties à l’accord ne dépassent pas le seuil de 30% prévu à l’article 3 du règlement et qu’aucune restriction caractérisée n’est prévue, un accord prévoyant une interdiction de ventes sur les places de marché et ce, quel que soit le système de distribution adopté par le fournisseur, bénéficiera de l’exemption par catégorie.

Cet ajout est le bienvenu dès lors que la majorité des commentaires relatifs à l’arrêt Coty limitait cette possibilité aux seuls réseaux de distribution sélective.

  • Les contrats d’agence

Il ressort d’une jurisprudence désormais ancienne qu’un intermédiaire exerçant son activité au profit d’un commettant « peut en principe être considéré comme organe auxiliaire intégré dans l’entreprise de celui-ci, tenu de suivre les instructions du commettant et formant ainsi avec cette entreprise, à l’instar de l’employé de commerce, une unité économique »[8].

En conséquence, la question de savoir si un commettant et son agent forment une unité économique, le deuxième étant un organe auxiliaire intégré dans l’entreprise du premier, est importante aux fins de déterminer si un comportement relève du champ d’application de l’article 101 § 1 du TFUE et est donc susceptible de caractériser une entente anticoncurrentielle. Dès lors que l’agent n’est que le prolongement du commettant, aucun accord de volontés, condition impérative des dispositions précitées, ne peut être caractérisé.

Tant les Lignes Directrices actuelles que le projet de Lignes Directrices exposent qu’un accord sera considéré comme un contrat d’agence si l’agent ne supporte aucun risque, ou n’en supporte qu’une partie négligeable.

Le projet de Lignes Directrices rappelle à cet égard les trois risques financiers et commerciaux pertinents pour permettre de qualifier ou le contrat d’agence : 

Néanmoins, le projet de Lignes Directrices apporte certaines précisions dans le cadre de l’appréciation des risques encourus par l’agent :

« Un commettant peut utiliser différentes méthodes pour rembourser les risques pertinents, pour autant que ces méthodes garantissent que l’agent ne supporte aucun risque relevant des types mentionnés aux points 28 à 31 des présentes lignes directrices, ou n’en supporte qu’une partie négligeable. Par exemple, un commettant peut choisir de rembourser les coûts exacts supportés, il peut couvrir les coûts au moyen d’une somme forfaitaire fixe, ou il peut aussi verser à l’agent un pourcentage fixe des recettes générées par les biens ou services vendus dans le cadre du contrat d’agence. Pour s’assurer que tous les risques pertinents sont couverts, il peut être nécessaire de prévoir une méthode simple permettant à l’agent de déclarer et de demander le remboursement de tous les coûts excédant la somme forfaitaire ou le pourcentage fixe convenu. Il peut également être nécessaire que le commettant assure un contrôle systématique de toute modification des coûts pertinents et adapte le montant forfaitaire ou le pourcentage fixe en conséquence. Lorsque les coûts pertinents sont remboursés au moyen d’un pourcentage du prix des produits vendus dans le cadre du contrat d’agence, le commettant devrait également tenir compte de la possibilité que l’agent supporte des coûts pertinents d’investissements propres au marché même lorsqu’il ne réalise que des ventes faibles, voire nulles, pendant une période donnée. Ces coûts doivent être remboursés par le commettant. »

« Pour que l’accord soit considéré comme un contrat d’agence aux fins de l’application de l’article 101, le distributeur indépendant doit être véritablement libre de le conclure (par exemple, le commettant ne peut pas imposer de fait la relation d’agence en menaçant l’agent de résilier le contrat de distribution ou d’en dégrader les conditions), et, comme mentionné aux points 28 à 31 des présentes lignes directrices, tous les risques pertinents liés à la vente des biens ou services couverts par le contrat d’agence, y compris les investissements propres au marché, doivent être supportés par le commettant.

Lorsqu’un agent se charge d’autres activités pour le même fournisseur, ou pour d’autres, à ses propres risques, il est possible que les conditions qui lui sont imposées pour son activité d’agent influencent ses motivations et limitent sa liberté de décision au moment de vendre des produits en tant qu’activité indépendante. En particulier, il existe un risque que la politique de prix pratiquée par le commettant pour les produits vendus dans le cadre du contrat d’agence influence les motivations de l’agent/distributeur à fixer indépendamment le prix des produits qu’il vend en tant que distributeur indépendant. En outre, la combinaison du rôle d’agent et du rôle de distributeur indépendant pour le même fournisseur fait qu’il est difficile de distinguer les investissements et les coûts relatifs au rôle d’agent, y compris les investissements propres au marché, des investissements uniquement liés à l’activité indépendante. (…)

Les risques décrits aux points 28 à 31 des présentes lignes directrices sont particulièrement significatifs lorsque l’agent se charge d’autres activités en tant que distributeur indépendant pour le même commettant sur le même marché de produits. À l’inverse, ces risques sont moins susceptibles de survenir si les autres activités dont se charge l’agent en tant que distributeur indépendant concernent un autre marché de produits. Plus généralement, moins les produits sont interchangeables, moins ces risques sont susceptibles de survenir. (…)

Afin de déterminer les investissements propres au marché à rembourser au moment de conclure un contrat d’agence avec l’un de ses distributeurs indépendants déjà actif sur le marché en cause, le commettant devrait se fonder sur la situation hypothétique d’un agent qui n’est pas encore actif sur le marché en cause pour apprécier quels sont les investissements qui sont pertinents pour le type d’activité pour lequel l’agent est désigné. Les seuls investissements propres au marché que le commettant ne devrait pas couvrir seraient ceux qui concernent exclusivement la vente de produits différenciés sur le même marché de produits qui ne sont pas vendus dans le cadre du contrat d’agence, mais sont distribués de manière indépendante, par opposition aux investissements propres au marché nécessaires pour opérer sur le marché de produits en cause, que le commettant devrait couvrir dans tous les cas. En effet, l’agent ne supporterait pas les coûts propres au marché correspondant aux produits différenciés s’il n’agissait pas également en tant que distributeur indépendant pour ces produits en plus des produits qu’il distribue en tant qu’agent, pour autant qu’il puisse opérer sur le marché en cause sans vendre les premiers produits. Dans la mesure où les investissements pertinents ont déjà été amortis (par exemple, des investissements dans des meubles propres à l’activité), le remboursement peut être adapté proportionnellement. »

Notons à ce sujet que le 5 février 2021, la Commission a diffusé un document de travail sur la situation duale des distributeurs exerçant également une activité d’agent pour leur fournisseur (« Working paper : Distributors that also act as agents for certain products for the same supplier»).

5. Les accords de double distribution :

Rappelons que la double distribution désigne les situations dans lesquelles un fournisseur vend ses produits ou services non seulement par l’intermédiaire de distributeurs indépendants, mais aussi directement aux clients finals, en concurrence directe avec ses distributeurs indépendants.

Le Règlement actuel prévoit par exception[13] que les accords verticaux entre concurrents relevant d’une telle situation de double distribution entrent dans son champ d’application et bénéficient de l’exemption.

Les situations de double distribution qui étaient au départ peu fréquentes se sont multipliées, compte tenu notamment de l’augmentation des ventes en ligne qui a facilité les ventes directes par les fournisseurs via leur propre boutique ligne ou via les places de marché.

Considérant que l’exception actuelle est susceptible de conduire à l’exemption d’accords pour lesquels les problèmes horizontaux ne pourraient plus être négligeables, la Commission a souhaité limiter le bénéfice de l’exemption qu’aux situations de double distribution ne pouvant pas donner lieu à des problèmes horizontaux[14].

Ainsi, le projet de Règlement limite l’exemption aux accords verticaux conclus entre concurrents relevant d’une situation de double distribution où la part de marché cumulée des parties sur le marché de détail ne dépasse pas 10%[15].

Il est néanmoins prévu que les accords verticaux conclus entre concurrents relevant d’une situation de double distribution où la part de marché cumulée du fournisseur et du distributeur au niveau du marché de détail est supérieur à 10% mais où leur part de marché ne dépasse pas le seuil de 30% prévu à l’article 3 du règlement, bénéficient tout de même d’une exemption sauf en ce qui concerne les échanges d’informations qui doit être évalué selon les règles applicables aux accords horizontaux.[16]

Le projet de Règlement précise également que l’exemption ne s’applique pas aux accords verticaux conclus entre concurrents relevant d’une situation de double distribution s’ils comportent des restrictions horizontales par objet[17] ou s’ils font l’objet d’un autre règlement d’exemption par catégorie[18].

En résumé, un accord vertical conclu entre concurrents relevant d’une situation de double distribution bénéficiera d’une exemption que si les conditions suivantes sont remplies[19] :

  • L’accord ne relève pas du champ d‘application d’un autre règlement d’exemption ;
  • La part de marché cumulée du fournisseur et du distributeur n’excède pas les 10% au niveau de la vente en détail et l’accord ne contient pas de restrictions caractérisées ;
  • Les conditions des articles 2, paragraphe 4, (a) ou (b) prévoyant les situations de double distribution sont remplies ;

De plus, un accord vertical conclu entre concurrents relevant d’une situation de double distribution où la part de marché cumulée des parties excède 10% au niveau du commerce de détail bénéficiera tout de même d’une exemption si les conditions suivantes sont remplies[20] :

  • L’accord ne relève pas du champ d‘application d’un autre règlement d’exemption ;
  • Le seuil de 30% visé à l’article 3 est respecté et l’accord ne contient aucune restriction caractérisée ;
  • Les conditions de l’article 2, paragraphe 4, (a) ou (b) sont remplies ;
  • Tout échange d’information entre les parties est compatible avec le chapitre applicable des lignes directrices sur les restrictions horizontales traitant de l’appréciation des échanges d’informations sous l’angle de la concurrence ;
  • L’accord ne comporte pas de restrictions horizontales de concurrence par objet.

Deux précisions supplémentaires sont apportées par le projet de Règlement s’agissant des situations de double distribution :

  • celles-ci sont étendues aux grossistes et importateurs et non plus limitées aux seuls fournisseurs[21] ;
  • sont exclus du bénéfice de l’exemption, les fournisseurs de services d’intermédiation en ligne dès lors que ceux-ci exercent une fonction hybride, c’est-à-dire qu’ils vendent des biens ou des services en concurrence avec des entreprises auxquelles ils fournissent des services d’intermédiation en ligne[22].

Sur ce dernier point, le projet de Lignes Directrices précise qu’ « Étant donné que les activités de détail des fournisseurs de services d’intermédiation en ligne ayant un tel rôle hybride créent généralement des problèmes horizontaux non négligeables, elles ne correspondent pas à la raison d’être de l’exception relative à la double distribution, laquelle doit, en tout état de cause, faire l’objet d’une interprétation étroite. Pour la même raison, le règlement d’exemption ne couvre pas les éventuelles restrictions relatives à la mesure dans laquelle ou aux conditions auxquelles des services d’intermédiation en ligne peuvent être fournis à des tiers. Cela vaut non seulement pour les restrictions mentionnées dans un accord conclu avec un acheteur de services d’intermédiation en ligne, mais aussi pour les accords relatifs à l’achat des biens ou services vendus par le fournisseur de services d’intermédiation en ligne ayant un rôle hybride. »[23]

Les accords verticaux conclus avec des fournisseurs de services d’intermédiation en ligne devront être évalués au cas par cas, notamment à la lumière des lignes directrices sur les restrictions verticales mais également celles sur les restrictions horizontales.

***

Les modifications apportées au règlement européen et aux lignes directrices (dit aussi le « paquet vertical ») témoignent d’une volonté par la Commission Européenne de clarifier les règles en vigueur et d’intégrer certaines évolutions jurisprudentielles. Les modifications proposées sont néanmoins insuffisantes, notamment s’agissant des prix de revente pour lesquels nous devons malheureusement constater l’intransigeance de la Commission alors même que d’autres autorités de concurrence ont fait évoluer leur position en l’infléchissant. D’autres problématiques posées par cette refonte (s’agissant notamment des clauses de non-concurrence ou de parité tarifaire) feront l’objet d’un second éclairage dans une prochaine note d’actualité.


[1] Article, 4 (b) du projet de Règlement d’exemption

[2]     Articles 4 (b), i, 4, (b), i et 4, (c), i du projet de Règlement d’exemption

[3]     Article 1, l du Projet de règlement d’exemption

[4]     Article 1, n du Projet de règlement d’exemption

[5]     Projet de Lignes Directrices : point 195

[6]     Section 8.2.3 du projet de Lignes Directrices

[7]     CJUE, arrêt n°C-230/16 du 6 décembre 2017 Coty Germany GmbH contre Parfümerie Akzente GmbH

[8]     CJCE, 16 décembre 1975, « Suiker Unie », Affaires jointes 40 à 48, 50, 54 à 56, 111, 113 et 114-73

[9]     Paragraphe 30 du projet de Lignes Directrices

[10]   Paragraphe 33 du projet de Lignes Directrices

[11]   Paragraphes 34 à 37 du projet de Lignes Directrices

[12]   Paragraphe 44 du projet de Lignes Directrices

[13]   Rappelons en effet que les accords verticaux conclus entre concurrents sont exclus par principe du bénéfice de l’exemption.

[14]   Cf. sa note explicative de la Commission – A noter également que le projet de Lignes Directrices précise à son paragraphe 87 que « la question de savoir si un accord peut être considéré comme un accord de double distribution (…) devrait faire l’objet d’une interprétation étroite, en raison de la nature exceptionnelle de cette disposition. »

[15]   Article 2, paragraphe 4, a) et b) du projet de Règlement

[16]   Article 2, paragraphe 4 du projet de Règlement

[17]   Article 2, paragraphe 6 du projet de Règlement  

[18]   Article 2, paragraphe 8 du projet de Règlement

[19]   Paragraphe 87 du projet de Lignes Directrices

[20]   Paragraphe 90 du projet de Lignes Directrices

[21]   Article 2, paragraphe 4, a) du projet de Règlement

[22]   Article 2, paragraphe 7 du projet de Règlement

[23]   Paragraphe 91 du projet de Lignes Directrices

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